Écrouée depuis 2016, la bande à Papis Konaré a finalement été jugée, hier, à la Chambre criminelle du Tribunal de Dakar. Mouhamed El Amine Diagne Diop, Mouhamed Konaré, alias Papis, Ousmane Konaré, Moussa Diallo, alias Pécoss et Mbaye Diagne répondaient des faits d’association de malfaiteurs, vol commis en réunion la nuit avec usage d’arme et de véhicule, usurpation de fonction, entre autres délits.
C’est un groupe de malfrats très soudé. Ils jouaient chacun un rôle bien défini. Il s’agit de ce gang qui écumait Dakar et sa banlieue et ce, en plein jour, en usant d’astuces pour cambrioler les victimes. La bande avait pour point de mire les maisons huppées. Elle profitait de l’absence du propriétaire de la maison, pour effectuer sa sale besogne. Papis Konaré et Cie se présentaient comme étant des policiers, des agents de la Sde, voire de la Senelec avec des voitures à gyrophare.
Et, une fois à l’intérieur du domicile, les bandits semaient la terreur. Ils maîtrisaient les occupants trouvés sur les lieux à l’aide d’armes à feu et, s’il le faut, en faisant usage de violence. Ceci fait, ils avaient tout le loisir de dévaliser lesdites maisons cossues, en emportant bijoux en or, téléphones portables, parfums haut de gamme, etc.
A ce jeu, les cambrioleurs ont emporté la coquette somme de 300 millions de francs. Après plusieurs plaintes déposées, la Division des investigations criminelles les a finalement identifiés et a procédé à leur arrestation. C’était au courant de l’année 2016.
Hier, jour de leur jugement, seul, Mbaye Samb, alias préfet, un des leurs, n’a pas pu se présenter pour répondre de ses faits. Car, à la suite d’une maladie durant sa détention préventive, il a répondu à l’appel du seul et grand juge, le 21 novembre 2018.
L’ami de Papis Konaré : «il a purgé une peine de plus de 4 ans à Dubaï. Il avait volé chez un Dubaïote un coffre qui contenait des bijoux en or et en diamant»
Les bandits ont tous adopté, devant la barre, le système de la dénégation pour se laver des accusations qui leur sont imputées. Selon eux, ils gagnaient dignement leur vie et n’ont jamais commis de crime. Pourtant, les faits sont constants et ils ne se sont pas uniquement limités au Sénégal. Ils étaient même arrêtés à Dubaï où ils ont escroqué une tierce personne pour un montant de 500 millions F Cfa. Mais le cerveau du groupe, Papis Konaré, a démenti cette thèse.
Selon lui, il n’a jamais été emprisonné à Dubaï. C’est plutôt, dit-il, son ami d’enfance venu assister au procès qui l’a enfoncé. «Je lui ai toujours dit d’arrêter ses escroqueries. Il a purgé une peine de plus de 4 ans à Dubaï. Il avait volé chez un Dubaïote un coffre qui contenait des bijoux en or et en diamant», témoigne Papis Konaré.
Partie civile, Cheikh Tidiane Touré et son épouse : «ils ont emporté tout ce qu’on avait entrepris, durant plus de 40 ans de compagnonnage»
Des victimes sont aussi venues dire comment la bande les a dépouillées. Parmi elles, Cheikh Tidiane Touré et son épouse. Cette dernière, «ils ont emporté tout ce qu’on avait entrepris durant plus de 40 ans de compagnonnage. Des montres en or et des bijoux de marque. J’étais partie au travail et mes voisins m’ont alertée, parce qu’ils y avaient ma bonne qui criait. Quand je suis venue, elle m’a dit que des bandits sont venus et ont tout emporté avec eux. A cause de cette scène de cambriolage, elle est maintenant presque folle, parce que cela l’a traumatisée».
Yama Ba, la bonne d’alors d’une des victimes, Mountaga Ndiaye, qui a été présente lors des faits, a aussi retracé le déroulement du film. «À l’époque, je travaillais chez Mountaga Ndiaye. Ils se sont présentés à la maison, de très bonne heure. Ils m’ont fait croire qu’ils travaillaient pour le compte de la Senelec et m’ont dit que le propriétaire de la maison n’a pas payé des factures d’électricité. L’un (qu’elle appelait ‘’Pataa bii’’) m’a amenée dans la cuisine et les autres sont montés à l’étage. Ils se sont introduits dans la chambre et ont tout pris», argue-t-elle.
À la question du juge de savoir si elle reconnaît quelqu’un parmi les accusés, elle répond : «je reconnais l’homme de grande taille et un autre qui avait une tâche sur la joue». Le juge a appelé les accusés à la barre, afin qu’elle lui montre ceux qu’elle reconnait. Arrivés devant la barre, ils ont tous enlevé leurs masques sauf Moussa Diallo à qui le juge a demandé d’enlever le sien. Elle désigne Moussa Diallo comme la personne qui a la marque sur sa peau. L’homme de grande taille serait sûrement le défunt Mbaye Samb, car elle dit ne l’avoir pas vu.
Lors des plaidoiries, les avocats des parties poursuivantes ont chacun demandé le versement de somme d’agent à leurs clients, à titre de dommages et intérêts.
Le Parquet : «les accusés ont eu un passé pénal assez élogieux. À cet effet, en les gardant aussi longtemps possible en prison, vous mettez tout le monde à l’abri»
Selon le maître des poursuites, les faits ne souffrent d’aucun doute, car la bande est identifiée par des femmes de ménage et ce, depuis les enquêtes préliminaires. «Les témoins sont les éléments les plus déterminants dans cette affaire. Les débats sont assez clairs. Les faits, à l’époque, ont défrayé la chronique, parce que c’est une bande téméraire avec comme cerveau un intellectuel dont Papis Konaré qui a fait des études jusqu’en Terminale», les charge-t-il. Au représentant du Ministère public d’ajouter : «je requiers l’acquittement de Mbaye Diagne et déclare les autres coupables. Ces derniers ont eu un passé pénal assez élogieux. Ils ont déjà eu à purger des peines criminelles de 5 à 10 ans, auparavant. À cet effet, en les gardant aussi longtemps que possible en prison, vous mettez tout le monde à l’abri. Il faut prononcer 20 ans de réclusion criminelle».
Le tribunal a finalement mis l’affaire en délibéré au 17 février 2020.
Adja Khoudia Thiam, (Stagiaire-Actusen.sn)