« La plus grande injustice peut être habillée d’une forme juridique parfaite (…). Tous les intellectuels, tous les patriotes doivent comprendre que le combat que nous menons en ce moment est le leur ; c’est le combat qu’il importe de mener avec ténacité pour que l’ère des menaces grotesques, de la crainte, de la peur sous ses formes variées, économique, physique, soit révolue. C’est le combat pour la vraie liberté individuelle, pour la dignité. Si des Bokassa et des Idi Amin Dada ont pu exister en Afrique, c’est parce que des intellectuels et des cadres africains ont abdiqué leur responsabilité, ont préféré ronger des os, au lieu de s’occuper de l’essentiel, c’est-à-dire de la sauvegarde des droits imprescriptibles du citoyen, pensant que cela présentait moins de risques. Les intellectuels, tous les citoyens lucides, doivent opposer une résistance morale à l’arbitraire. Ils doivent être disposés à payer de leur personne pour que les lois de circonstance cèdent la place à des lois justes». Cheikh Anta Diop, publié dans Taxaw n° 18, novembre-décembre, 1979.
Le présupposé d’une « nation mortelle » ne se limite pas à une vue de l’esprit philosophique qui ne s’appliquerait pas dans l’espace politique sénégalais. L’Etat de droit structure institutionnellement la fabrique d’une nation en ce qu’il renferme une ambition sociologique. Le discours sur l’Etat de droit n’est pas la propriété exclusive des juristes. En effet, la crise postulée, systémique par nature, a diverses expressions : l’incapacité de la normativité institutionnelle à essentialiser la démocratie, la remise en cause de la fondation unitaire de l’Etat par l’atomisation du pouvoir, la justice sélective, l’organisation judiciaire de la compétition politique, l’urgence de la conservation et de la patrimonialisation du pouvoir etc. Aussi, l’Etat de droit vise-t-il la réalisation du contrat social. En ce sens, la crise du droit se prolonge en une crise de société.
La soumission de l’Etat au droit organise le vivre-ensemble indispensable pour faire société. En somme, l’Etat de droit ne se résume pas à l’existence d’institutions. Les lois et les institutions, comme seuls outils de mesure de la démocratie, créent un Etat de droit abstrait, peu enclin à réconcilier le Peuple avec le Droit. Une architecture institutionnelle, puisse-t-elle être formellement séduisante, doit être questionnée à l’aune de sa pratique et de son degré d’intériorisation politique par les acteurs. L’Etat de droit abouti transcende les standards institutionnels. La séparation des pouvoirs est un poncif qui satisfait les contemplateurs fétichistes de la grammaire des textes. Les politiciens surtout ! Les consommateurs (particulièrement les juristes positivistes) repus de choses entendues aussi ! Bien souvent, par naïveté intellectuelle, la démocratie au Sénégal est exaltée, chantée et célébrée. Quelle démocratie ? Celle procédurale, matérialisée par des modes populaires globalement transparents de dévolution du pouvoir, ne satisfait pas pleinement les citoyens.
Au contraire, la démocratie substantielle (réelle) porte l’idée d’une constitution sociale qui est construite sur le fondement des droits fondamentaux subjectifs. Il est vrai que le pacte républicain nécessite l’existence d’une démocratie procédurale et d’une séparation des pouvoirs. Cependant il ne s’y réduit pas, sauf à exalter le formalisme d’un Etat de droit incantatoire qui neutraliserait les exigences d’une démocratie libérale.
La gouvernance politique au Sénégal est oublieuse de l’Etat de droit.
Au demeurant, l’antique théorie de la séparation des pouvoirs, déclamée dans les discours officiels, ne s’inscrit dans le temps long qu’à travers la rationalisation de l’interdépendance fonctionnelle des pouvoirs, caractéristique du fonctionnement des démocraties modernes. Cet idéal ne pourrait naturellement prospérer que si le serment d’allégeance des acteurs institutionnels (juges, parlementaires, autorités investies de l’ordre public – police, gendarmerie, armée –, dépositaires provisoires de l’autorité politique etc.) est désincarné. Incarné, il se transforme en féodalité. Le Sénégal n’échappe pas à cette personnalisation exacerbée du pouvoir. La construction de l’imaginaire du pouvoir, cristallisé par une autorité légitime, est un pré-requis de l’Etat surtout lorsqu’il promeut un paradigme unitaire comme au Sénégal. La dispersion du pouvoir dans des lobbies (politique, économique, colonialiste, confrérique, régionaliste, ethnique etc.), le renoncement de l’autorité légitime à incarner une autorité univoque, la toute-puissance du spirituel sur le temporel et la crise du Droit sur l’autel des compromissions de chapelles, questionnent la subsistance même de notre Etat. Qu’en restet-il qui puisse encore se soumettre au droit ?
Les contestations populaires récurrentes et multiformes, sont des manifestations de la crise de l’Etat de droit. En atteste l’actualité socio- politique ! La légalité formelle est contredite par la légitimité. Quel Etat de droit lorsque les contre-pouvoirs institutionnels (parlement et pouvoir judiciaire) se dépossèdent, par devoir de gratitude et de corruption intellectuelle, de leurs attributions ? La consolidation de l’Etat de droit suppose, à l’évidence, une justice plus indépendante. De fait, la transformation de l’Etat de justice en Etat politique donne libre cours à certaines pratiques : la docilité des juges, le suivisme alimentaire des sbires, l’entrisme et le clientélisme politique, le culte du chef etc. La paraphrase de Jean de la Fontaine raconte l’état de l’institution judiciaire au Sénégal : « selon que vous soyez « opposant » ou « avec le pouvoir », les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». Or, l’Etat de droit ne s’accommode pas de la création de catégories de justiciables.
Les instructions, non pas seulement générales mais individuelles, adressées aux chefs de parquet qui sont autant d’injonctions de faire, participent à l’établissement d’une doctrine politique des poursuites pénales. La domestication de la justice renforce la perspective marxiste d’un droit instrument de domination d’une classe sur une autre et valide le constat d’un Etat de droit purement déclaratoire.
Parallèlement, l’Etat de droit ajourne autant le « gouvernement des juges » que la figure fourvoyée de juges du gouvernement ! Le principe même d’une démocratie libérale tient dans l’impartialité de ce tiers investi d’une charge sacerdotale et vertueuse.
Ni juges du gouvernement, ni droit de l’Etat, l’Etat de droit exige la soumission totale de l’Etat au droit.
La gouvernance politique, dans l’absolu, sanctuarise les symbolismes du pouvoir. Le raffermissement des représentations sociales légitimes est un attribut de la fonction de diriger. La parole et le serment participent de ces valeurs transcendantes qui résonnent en contemplation de la hiérarchie des normes. Dans notre espace sociétal, construit sur une civilisation de l’oralité comme le suggère Mamoussé Diagne, le culte des valeurs n’est pas inférieur à celui des « lois écrites ». La sagesse africaine millénaire ne dit pas autre chose lorsque l’article 23 de la Charte du Mandé en 1236 affirmait ceci : «Ne vous trahissez jamais entre vous. Respectez la parole d’honneur ».
Dans une telle perspective, lorsque la norme fondamentale (article 27 de la Constitution qui dispose ceci : «nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs») rencontre la valeur – la confession présidentielle de l’impossibilité d’un troisième mandat –, ce mutisme anxiogène, pourtant bruissant de calculs politiciens, réduit les derniers vestiges de l’Etat de droit à sa portion congrue. Entretenir la mystique du troisième mandat rétrograde notre avenir politique dans les abîmes de 2012. Cette histoire politique récente, à l’origine d’une alternance sans alternative, est pourtant promue à un avenir en perspective !
Le temps est suspendu à l’humeur opportuniste du Chef. L’interprétation d’un énoncé clair et sans ambages, fût-elle politique ou judiciaire, n’est pas un acte de volonté. C’est faire l’apologie de la volonté du Prince !
1. Idrissa BA, Professeur assimilé en histoire, FLSH/UCAD
2. Mame Penda BA, Professeure assimilée en sciences politiques, Agrégée des Facultés de droit, UFR SJP/UGB
3. Tapsirou BA, Maître de conférences assimilé en droit, UFR SJP/UGB
4. Mor BAKHOUM, Maître de conférences assimilé en droit, UVS
5. Oumar BARRY, Professeur assimilé en sociologie, FLSH/UCAD
6. Jean Charles BIAGUI, Maître de conférences assimilé en sciences politiques, FSJP/UCAD
7. Marie BOUARE, Maître de conférences assimilé en droit, UFR SJP/UGB
8. Mouhamadou BOYE, Maître de conférences assimilé en droit, UFR SJP/UGB
9. El Hadji Alioune CAMARA, Maître de conférences assimilé en économie, UFR SES/UIDTT 10. Aminata CISSE-NIANG, Professeure assimilée en droit, Agrégée des Facultés de droit, FSJP/UCAD
11. Jean-Louis CORREA, Professeur assimilé en droit, Agrégé des Facultés de droit, UVS
12. Patrice CORREA, Maître de conférences assimilé en sciences de l’information et de la communication, UFR CRAC/UGB
13. Karamoko DEMBA, Maître de conférences assimilé en droit, FSJP/UCAD
14. Mamadou Hady DEME, Maître de conférences assimilé en sciences politiques, FSJP/UCAD 15. Abdoul Alpha DIA, Maître de conférences titulaire en économie, UVS
16. Amadou Hamath DIA, Professeur assimilé en sociologie, SES/UASZ
17. Hamidou DIA, socio-anthropologue, Directeur de recherche, IRD/France
18. Mouhamadou Mansour DIA, Maître de conférences titulaire en sociologie, UVS
19. Oumar DIA, Maître de conférences titulaire en philosophie, FLSH/UCAD
20. Karounga DIAWARA, Professeur titulaire de droit, Université Laval, Québec
21. Fatimata DIA-BIAYE, Maître de conférences titulaire en droit, FSJP/UCAD
22. Malick DIAGNE, Maître de conférences titulaire en philosophie, FLSH/UCAD
23. Sidy Nar DIAGNE, Maître de conférences titulaire en droit, FSJP/UCAD
24. Babacar DIAKHATE, Professeur assimilé en mathématiques/informatique, FST/UCAD
25. Abdoulaye DIALLO, Maître de conférences assimilé en droit, SES/UASZ
26. Halima DIALLO, chercheure en psychologie, IFAN/UCAD
27. Mamadou Diouma DIALLO, Maître de conférences assimilé en sciences de l’information et de la communication, UFR CRAC/UGB
28. Mamadou Aguibou DIALLO, Maitre de conférences assimilé en sociologie, SES/UASZ
29. Thomas DIATTA, Maître de conférences assimilé en droit, SES/UASZ
30. Paul DIEDHIOU, Maître de conférences titulaire en sociologie, SES/UASZ 31. Abou Adolf DIEME, Maître de conférences assimilé en droit, SES/UASZ 32. Ablaye DIEYE, Maître de conférences titulaire en droit, FSJP/UCAD
33. Adrien DIOH, Maître de conférences assimilé en droit, UFR SJP/UGB
34. Ibrahima Demba DIONE, Maître de conférences assimilé en sociologie, SES/UASZ
35. Abdou Khadre DIOP, Maître de conférences assimilé en droit, UVS
36. Babacar DIOP, Maître de conférences titulaire en philosophie, FLSH/UCAD
37. Dame DIOP, Maître de conférences assimilé en lettres modernes, UFR LASHU/UASZ
38. Abdoul Aziz DIOUF, Professeur assimilé en droit, Agrégé des Facultés de droit, FSJP/UCAD 39. Christian Ousmane DIOUF, Maître de conférences assimilé en droit, FSJP/UCAD
40. Gane DIOUF, Maître de conférences assimilé en droit, FSJP/UCAD
41. Ibrahima Dally DIOUF, Professeur assimilé en sciences de gestion, Agrégé des Facultés de sciences économiques et de gestion, FASEG/UCAD
42. Ismaïla DIOUF, Professeur assimilé en mathématiques et informatique, FST/UCAD
43. Ousseynou Kolly Diène DIOUF, Maître de conférences titulaire en économie et gestion, UFR SES/UASZ
44. Pape Alioune FALL, Professeur assimilé en informatique, UFR SAT/UGB
45. Saliou FAYE, Maître de conférences assimilé en sciences politiques, FSJP/UCAD
46. Souleymane GAYE, Maître de conférences assimilé en droit, FSJP/UCAD
47. Souleymane GOMIS, Professeure titulaire en sociologie FLSH/ UCAD
48. Jean Alain GOUDIABY, Maître de conférences titulaire en sociologie, UFR SES/UASZ
49. Ababacar GUEYE, Maître de conférences assimilé en droit, FSJP/UCAD
50. Cheikh Thiécoumba GUEYE, Professeur titulaire en mathématiques et informatique, FST/UCAD
51. Doudou GUEYE, Maître de conférences titulaire, UFR SES/UASZ
52. Abdoulaye GUISSE, Maître de conférences assimilé en droit, UFR SES/UASZ
53. Fatoumata HANE, Professeure assimilée en sociologie, UFR SES/UASZ
54. Abdou KA, Maître de conférences assimilé sociologie, UFR SES/ UASZ
55. Amadou KA, Maître de conférences assimilé en droit, UFR SJP/UGB
56. Cheikh KASSE, Maître de conférences titulaire en lettres modernes, FASTEF/UCAD
57. Ousmane KHOUMA, Maître de conférences titulaire en droit, FSJP/UCAD
58. Diouma KOBOR, Professeur titulaire en physique, UFR ST/UASZ
59. Mohamed Moro KOITA, Maître de conférences titulaire en gestion, ESP/UCAD
60. Raphael LAMBAL, Maitre de conférences titulaire en lettres modernes, UFR LASHU/UASZ 61. Mouhamed Abdallah LY, Chargé de recherche en linguistique, IFAN/UCAD
62. Mohamed Lamine MANGA, Maître de conférences assimilé en histoire, UFR LASHU/ UASZ 63. Ibou NDAO, Maitre de conférences assimilé en géographie, UFR SES/ UASZ
64. Abdoul Aziz NDIAYE, Professeur assimilé en économie, Doyen de l’UFR SEG/UGB
65. Amsata NDIAYE, Maître de conférences titulaire en physique, UFR SAT/UGB
66. El Hadji Samba NDIAYE, Professeur assimilé en droit, Agrégé des Facultés de droit, FSJP/UCAD
67. Ndéye Astou NDIAYE, Maître de conférences assimilé en sciences politiques, FSJP/UCAD 68. Ndéye Coumba Madeleine NDIAYE, Professeure assimilée en droit, Agrégée des Facultés de droit, FSJP/UCAD
69. Serigne NDIAYE, Docteur en littérature comparée, Emory University/USA, ancien directeur du Council of International Externe Exchange (CIEE), Bureau Afrique
70. Seydi Ababacar NDIAYE, Maître de conférences titulaire en chimie, ESP/UCAD
71. Sidy Alpha NDIAYE, Professeur assimilé en droit, Agrégé des Facultés de droit, FSJP/UCAD 72. Thierno Amadou NDIOGOU, Maître de conférences titulaire en droit, FSJP/UCAD
73. Lucienne Kodou NDIONE, Maître de conférences titulaire en droit, FSJP/UCAD
74. Moussa NDIOR, Maître de conférences assimilé en sciences politiques, UFR SES/UASZ
75. Amary NDOUR, Maître de conférences assimilé en droit, FSJP/UCAD
76. Abdoulaye NGOM, Maître de conférences assimilé en sociologie, UFR SES/UASZ
77. Paul NGOM, Professeur assimilé en droit, Agrégé des Facultés de droit, FSJP/UCAD
78. Abdoul Aziz NIANG, Directeur de recherche, entomologiste, IFAN/UCAD
79. Babacar NIANG, Professeur assimilé en droit, Agrégé des Facultés de droit, FSJP/UCAD 80. Mouhamed Bachir NIANG, Professeur assimilé en droit, Agrégé des Facultés de droit, FSJP/UCAD
81. Yaya NIANG, Maître de conférences assimilé en droit, UFR SJP/UGB
82. Baye Massaer PAYE, Maitre de conférences assimilé en anglais, UFR LASHU/ UASZ
83. Cheikh Sadibou SAKHO, Maitre de conférences titulaire en sociologie, UFR LSH/UGB
84. Moussa SAMB, Professeur assimilé en droit, Agrégé des Facultés de droit, FSJP/UCAD
85. Yamar SAMB, Professeur assimilé en droit, Agrégé des Facultés de droit, UFR SJP/UGB 86. Aly SAMBOU, Maître de conférences assimilé en lettres étrangères appliquées, UFR LSH/UGB
87. Mame Anna SENE-FALL, Maître de conférences titulaire en philosophie, FASTEF/UCAD 88. Marie-Pierre SARR-TRAORE, Maître de conférences titulaire en droit, FSJP/UCAD
89. Mamadou SEYE, Maître de conférences assimilé en droit, UFR ECOMIJ/UADB
90. Yankhoba SEYDI, Professeur assimilé en anglais, FSLH/UCAD
91. Youssouf SEYDI, Maître de conférences assimilé en droit, FSJP/UCAD
92. Adama SOUMARE, Maître de conférences titulaire en langues et civilisations romanes, FSLH/UCAD
93. Fatoumata Bernadette SONKO, Maître de conférences assimilé, CESTI/UCAD
94. Ndiémé SOW, Maître de conférences assimilé, UFR LASHU/ UASZ
95. Oumar SY, Professeur titulaire en géographie, UFR ST/UASZ
96. Ibrahima SYLLA, Maître de conférences titulaire en sciences politiques, UFR SJP/UGB
97. Mouhamadou Moustapha TALL, Maître de conférences assimilé en droit, FSJP/UCAD
98. Cheikh THIAM, Professeur d’études africaines, Doyen de la School for international training, USA
99. Mballo THIAM, Maître de conférences titulaire en droit, UFR ECOMIJ/UADB
100. Benoît TINE, Professeur assimilé en sociologie, UFR SES/UASZ
101. Sadou WANE, Maître de conférences assimilé en droit, UFR ECOMIJ/UADB
102. Moussa ZAKI, Professeur assimilé en droit, Agrégé des Facultés de droit, UFR SJP/UGB »