Contribution

Dossier Géopolitique (Par Ibrahima Dieng)

Le Caucase russe après la dislocation de l’URSS : les enjeux géo stratégiques dans la guerre au Haut-Karabagh entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. 

Le mot « Karabagh », d’origine turque et persane, signifie littéralement « jardin noir » (kara = noir en turc et bagh = jardin en persan).

Pendant la période soviétique, l’oblast (entité administrative de type région) autonome du Haut-Karabagh (4 388 km2) est majoritairement peuplée d’Arméniens (95 %) et est intégrée à la République Socialiste Soviétique d’Azerbaïdjan, mais les territoires l’entourant, aujourd’hui dans l’État autoproclamé (6 742 km2), sont peuplés de Kurdes et d’Azéris depuis déplacés.

Depuis la dislocation de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS), le Haut-Karabagh lutte pour son indépendance ou son rattachement à l’Arménie et, le 2 Septembre 1991, déclare son indépendance, qui n’est reconnue par aucun État membre de l’ONU.

Les hostilités entre les Arméniens et l’armée azerbaïdjanaise cessent après la trêve négociée par la Russie le 12 Mai 1994, bien que des combats se déroulent parfois, notamment en Avril 2016.

Le 27 Septembre 2020, des combats d’une grande ampleur éclatent à la ligne de contrôle, déclenchant ce qu’on va appeler la seconde guerre du Haut-Karabagh.

Introduction

Le Haut-Karabagh (ou République de l’Artsakh) se situe sur la frange Nord-orientale du haut-plateau arménien (plateau du Karabagh) et dans le Sud-Est du Petit Caucase ; il est bordé à l’Est par les plaines de l’Araxe et de la Koura. Sa superficie est de 11 430 km2 avec une population de 148 917 habitants.

Ses habitants s’appellent les karabaghiotes.

Sa capitale, Stepanakert compte 52 300 habitants sur une superficie de 25,7 km2.

Le régime politique du Haut-Karabagh est un régime présidentiel, au sein duquel le pouvoir exécutif est exercé par le président qui désigne les ministres.

L’actuel Président est Arayik Haroutunyan.

Le pouvoir législatif est exercé par l’Assemblée nationale de la République de l’Artsakh.

La guerre du Haut-Karabagh est le conflit armé qui a eu lieu entre Février 1988 et Mai 1994 dans l’enclave ethnique du Haut-Karabagh, en Azerbaïdjan du Sud-Ouest, entre les Arméniens de l’enclave, alliés à la République d’Arménie, et la République d’Azerbaïdjan. 

I – Historique

Le conflit au Haut-Karabagh découle de la période de tutelle de l’URSS sur l’Arménie et l’Azerbaïdjan. En 1921, l’armée soviétique envahit le Caucase et réunit les républiques au sein de la République Socialiste Fédérative Soviétique de Transcaucasie, annexée à l’Union Soviétique.

Les Bolcheviks créent ensuite un comité de sept membres. Le Bureau du Caucase (le Kavburo), qui, sous la supervision de Staline, alors Commissaire du Peuple pour les Nationalités, doit appliquer dans la région le découpage ethnique de type soviétique, avec des républiques et des régions autonomes.

Ce comité vote par quatre voix à trois en faveur d’une annexion du Karabagh à la République Socialiste Soviétique d’Arménie. Toutefois, des protestations de la part des dirigeants azerbaïdjanais, notamment le dirigeant du Parti Communiste d’Azerbaïdjan, Nariman Narimanov, ainsi qu’un soulèvement anti-soviétique à Erevan en 1921 dégradent les relations entre la Russie et l’Arménie.

Cette situation conduit le Comité à revenir sur sa décision le 4 Juillet 1921 et à attribuer le Karabagh à la République Socialiste Soviétique d’Azerbaïdjan, incorporant l’oblast autonome du Haut-Karabagh à la République Socialiste Soviétique d’Azerbaïdjan en 1923, malgré une population de l’oblast à 94 % arménienne. La capitale, auparavant Chouchi, devient Khankendi, l’actuelle Stepanakert.

Pendant soixante-cinq ans, la situation n’évolue plus jusqu’en 1988 où, profitant de la Perestroïka, la région autonome s’autoproclame le 20 Février 1988 comme République Socialiste Soviétique à part entière, à égalité avec l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

Le 15 Juin 1988, l’Azerbaïdjan revendique auprès de Mikhaïl Gorbatchev le retour du Haut-Karabagh à son territoire. Des violences éclatent la même année en Azerbaïdjan comme en Arménie. Des pogroms anti-arméniens font plusieurs centaines de victimes à Soumgaït près de Bakou puis en 1990 à Bakou même.

Les autorités de l’oblast autonome du Haut-Karabagh, ainsi situé en Azerbaïdjan mais peuplé d’Arméniens, ont proclamé leur indépendance le 2 Septembre 1991 pour former le Haut-Karabagh qui est une enclave en Azerbaïdjan.

II – Géo politique du Caucase russe après la dislocation de l’URSS

Le démantèlement du système soviétique s’est imposé comme l’un des événements les plus marquants du XXè siècle. Il n’a pas seulement modifié la géopolitique du monde : il s’est avéré riche de défis et d’opportunités nouvelles pour les Etats indépendants ; pour les entités autonomes qui ont émergé ou réémergé de l’empire soviétique, et pour la communauté internationale dans son ensemble.

Après 1989, la disparition de l’URSS a permis la création de trois nouveaux États (l’Arménie, la Géorgie et l’Azerbaïdjan), anciennes républiques soviétiques, alors que les six républiques dites « autonomes » de Ciscaucasie sont restées au sein de la Fédération de Russie. Les trois nouveaux États indépendants ont été confrontés à de graves difficultés économiques et déchirés par de multiples conflits : l’Arménie et l’Azerbaïdjan se disputent le Haut-Karabagh, alors que la Géorgie doit faire face au séparatisme en Abkhazie, ainsi qu’en Ossétie du Sud et en Adjarie.

Cet immense séisme politique à provoqué d’importants mouvements tectoniques, qui ne sont toujours pas achevés ; le paysage post-soviétique doit encore se stabiliser.

Les « nouveaux Etats » indépendants tentent de surmonter les grandes difficultés que soulèvent la construction de l’Etat, la décolonisation, le démembrement de l’économie et la transition vers de nouveaux systèmes politiques et économiques sans influences russes et occidentales.

Simultanément, de nombreux conflits politiques ou géostratégiques impactent fortement la stabilité du Caucase russe

Suite à l’indépendance de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie, l’Assemblée nationale du Haut-Karabagh proclame l’indépendance du pays le 2 septembre 1991.

Après la proclamation d’indépendance du Haut-Karabagh, l’Azerbaïdjan réplique en annulant son statut d’autonomie le 26 novembre suivant.

Mais cette proclamation d’indépendance est réaffirmée par référendum le 10 Décembre avec une écrasante majorité de « oui ». Pour rétablir leur contrôle sur le Haut-Karabagh, les autorités azerbaïdjanaises envoient des troupes.

Entre 1990 et 1992, une catastrophe humanitaire a lieu dans cette région à la suite du blocus imposé par l’Azerbaïdjan. Les habitants du Haut-Karabagh s’organisent pour s’alimenter et se défendre avec l’aide de l’Arménie, repoussant les Azerbaïdjanais. Les affrontements entre Arméniens et Azerbaïdjanais font de nombreuses victimes et de nombreux massacres ont lieu de part et d’autre.

Cette situation, et l’occupation de plusieurs régions du territoire azerbaïdjanais par les forces armées du Haut-Karabagh, ont donné lieu à l’adoption de quatre résolutions par le Conseil de sécurité des Nations unies en 1993.

En Mai 1994, un cessez-le-feu est obtenu et désormais les négociations pour la résolution finale du conflit sont organisées dans le cadre du Groupe de Minsk, une instance créée en 1992 par l’OSCE et coprésidée par la France, la Russie et les États-Unis. Sur le terrain, les violences cessent, excepté quelques escarmouches.

En 2016, les violences reprennent entre le 2 et le 5 Avril lors de la « guerre des quatre jours », causée par une attaque azerbaïdjanaise.

Le 20 Février 2017 a lieu un référendum qui porte sur une modification de la constitution. Celle-ci est approuvée par 76,4 % des électeurs qui ont participé. Le « oui » a obtenu 87,6 % des suffrages exprimés, le « non », 9,7 % et 2,7 % ont voté blanc ou nul.

Cette modification de la constitution entraîne une présidentialisation du régime.  Le poste de Premier Ministre disparaît et le gouvernement est dirigé directement par le Président.

Enfin le pays change de nom et devient la « République d’Artsakh ».

III – Les origines du conflit

Il a toujours existé une forte inimitié entre les Arméniens et les Tatars du Caucase, que l’on appelle depuis 1918 « Azéris ». En 1905-1906, des guerres éclatent entre les deux peuples. En 1915, des dirigeants nationalistes tatars du Caucase participent au processus qui conduit à l’extermination des Arméniens de l’Empire ottoman ; et en 1918 des massacres ont lieu à Bakou, dans le Karabakh et dans le Nakhitchevan (province azérie frontalière de la Turquie), territoire historiquement arménien vidé de sa population après la soviétisation.

Puis, les nationalismes régionaux sont étouffés sous le règne du Parti Communiste pendant toute la période soviétique. L’oblast du Haut-Karabakh se voit même rattaché arbitrairement par Staline à la République Socialiste Soviétique (RSS) d’Azerbaïdjan en 1921, afin de maintenir de « bonnes relations » avec la Turquie de Mustapha Kemal, alors même que sa population est à 94% arménienne.

Les Arméniens du Haut-Karabakh vont alors faire l’objet de discriminations multiples de la part des Azerbaïdjanais, qui vont jusqu’à empêcher leurs liens avec la RSS d’Arménie voisine. Une véritable politique de « désarménisation » de la région est mise en place par les autorités de Bakou, notamment via des déplacements de populations et des démantèlements de villages. Lors de la désintégration de l’URSS, en 1991, la répartition reste toutefois de 76% d’Arméniens pour 24% d’Azéris.

En Février 1988, les habitants du Haut-Karabagh réclament de nouveau le rattachement de leur région à la RSS d’Arménie. En réponse, les Azéris massacrent des populations arméniennes à Sumgaït, Bakou et Kirovabad. Près de 400 000 Arméniens d’Azerbaïdjan fuient alors vers l’Arménie et vers Moscou. Parallèlement, environ 150 000 Azéris quittent l’Arménie soviétique par crainte de représailles. S’ensuit alors un conflit ouvert entre les deux Républiques Socialistes Soviétiques.

Dans un premier temps (1988-1991), l’URSS et l’Armée rouge soutiennent l’Azerbaïdjan, les Arméniens connaissant alors une situation difficile. Puis, le rapport de forces s’inverse dans un second temps (1991-1994), après les indépendances consécutives à l’éclatement de l’URSS. Les volontaires arméniens affluent et infligent de nombreux revers à une armée azérie sous-équipée et très mal commandée. Moscou se tient alors à équidistance des deux camps.

A partir du printemps 1993, les forces arméniennes prennent le contrôle de régions situées à la périphérie du Haut-Karabakh, d’où partent les bombardements d’artillerie contre leur province. Les succès militaires arméniens sont tels que l’Azerbaïdjan implore un cessez-le-feu en 1994.

A la fin de la guerre, les Arméniens contrôlent non seulement la région montagneuse du Haut-Karabakh (11 000 km2), mais aussi 9 % du territoire azerbaïdjanais. Ils chassent près 800 000 Azéris des zones avoisinant le Haut-Karabakh, se livrant à un nettoyage ethnique, toutefois sans massacre. De leur côté, les Azéris expulsent plus de 400 000 Arméniens.

Depuis sa déroute de 1994, grâce à l’argent du pétrole de la mer Caspienne, l’Azerbaïdjan a profondément modernisé ses forces armées. En Avril 2016, de violents combats frontaliers ont lieu à l’initiative de Bakou.

Au cours de l’été 2020 encore, les forces azéries ont « violé » les frontières internationalement reconnues de l’Arménie, relançant délibérément les tensions, avant de déclencher, le 27 septembre 2020, une offensive militaire de grande ampleur contre la République autoproclamée de l’Artsakh. Si, depuis 15 ans, les tensions perdurent entre l’Azerbaïdjan et le Haut-Karabakh soutenu par l’Arménie, Bakou a été encouragé à déclencher les hostilités actuelles par son allié turc, qui apporte un soutien militaire considérable à ses opérations offensives.

IV – Les raisons de la reprise des hostilités

Pourquoi ce conflit plus ou moins « gelé » s’embrase-t-il aujourd’hui avec une telle violence ?

En Avril 2016, une « Guerre de Quatre Jours » avait éclaté. Elle n’avait pas dégénéré, bien qu’elle ait contribué à fragiliser le pouvoir du Premier Ministre d’alors, Serge Sarkissian, natif de Stepanakert, ancien patron du Ministère de Forces Armées du Haut-Karabagh puis successivement Président et Premier Ministre d’Arménie.

En Mai 2018, la « révolution de velours », immense vague populaire, porte Nikol Pachinian au pouvoir, balayant les élites dirigeantes de l’Arménie, issues d’un processus de « karabaghisation » du pouvoir à Erevan, une conséquence directe de la guerre de 1988-1994.

Les deux présidents successifs, Kotcharian (1998-2008) et Sarkissian (2008-2018) étaient des « karabaghtsis ».

La République d’Arménie post-soviétique s’est littéralement construite par la guerre. Dans ces conditions, il est possible que les adversaires de l’Arménie aient pu percevoir le changement de pouvoir intervenu en 2018 comme un signe d’affaiblissement de l’État.

Le 27 septembre 2020, le Haut-Karabagh est visé par des bombardements sur la ville de Stepanakert par les Forces armées azerbaïdjanaises. Le Président de la République azerbaïdjanais Ilham Aliyev signe le même jour, un décret sur la déclaration de l’état de guerre, tandis que les autorités de l’Artsakh (Haut-Karabagh) déclarent la loi martiale et la mobilisation générale. Le gouvernement arménien annonce la mobilisation générale ainsi que la mise en place de la loi martiale dans la foulée des dirigeants du Haut-Karabakh. Le Premier Ministre Nikol Pachinian déclare que les deux pays sont proches d’une «  guerre d’envergure ».

Signalons que depuis trois décennies, les escarmouches n’ont jamais vraiment cessé, ni sur la ligne de contact, ni sur la frontière arméno-azérie, notamment dans la région du Tavoush.

En outre, le climat politique en Arménie, marqué au cours de ces dernières semaines par une gestion difficile de la crise de la Covid-19 et de nombreuses tensions politiques, a pu paraître propice pour conduire une attaque sur le front du Haut-Karabagh.

D’autres facteurs ont pu pousser l’Azerbaïdjan à relancer cette guerre. Il faut d’abord citer le quasi-arrêt des négociations menées dans le cadre du Groupe de Minsk depuis les escarmouches du mois de Juillet dernier, interrompant un dialogue entre Erevan et Bakou qui n’avait jamais cessé depuis près de trente ans.

De plus, dans le contexte de tensions russo-turques récurrentes depuis 2015 (retour de la Russie sur l’échiquier moyen-oriental avec son intervention militaire en Syrie), Ankara (comme Bakou) n’a pu que s’inquiéter de la livraison, en Juin 2020, de 400 tonnes de matériel à la base militaire russe n° 102 de Gyumri, à un jet de pierre de la frontière arméno-turque. S’agit-il de matériaux de construction ou de matériel militaire ? Nul n’est en mesure de le dire.

S’y ajoute l’impact, sans doute assez anxiogène pour la Turquie, de la tenue d’exercices militaires russes (baptisés Caucase 2020) déployés avec force et comprenant de manœuvres terrestres et des exercices de guerre navale en Mer Noire et en Mer Caspienne du 21 au 26 Septembre dernier, avec l’implication de 80 000 hommes, dont des participants étrangers, en particulier chinois et iraniens.

Ces exercices ont permis, aux portes de la Turquie, et donc aux frontières de l’OTAN, un impressionnant déploiement d’artillerie, de drones, d’avions de combats de cinquième génération SU-57 et de systèmes de défense anti-aérienne, de redoutables S-400 ainsi que le missile hypersonique Kinjal.

Pour l’heure, l’enclave du Haut-Karabagh est plus que jamais déterminée à se battre et à résister. Le 2 Octobre, son Président, Arayik Haroutunyan, qui a déjà combattu entre 1992 et 1994, a déclaré qu’il montait lui-même en première ligne, aux côtés des forces spéciales, « parce que je serai plus utile en première ligne qu’à l’arrière », ajoutant : « C’est notre ultime bataille, nous la gagnerons ensemble ! Je suis avec vous jusqu’à la victoire. Aux armes ! »

V – Les forces en présence

  • L’Arménie

L’Arménie est un pays situé dans la région du Petit Caucase en Asie occidentale. Cette ancienne République Socialiste Soviétique a des frontières terrestres avec la Turquie à l’Ouest, la Géorgie au Nord et Nord-Ouest, l’Azerbaïdjan à l’Est et l’Iran au Sud-Est.

Bien que géographiquement située en Asie, l’Arménie est considérée comme faisant culturellement, historiquement et politiquement parlant, partie de l’Europe, voir, géographiquement, à sa lisière.

Elle est vaste de 29 743 Km3 pour une population de 3 021 324 habitants. Sa capitale est Erévan. Son Président est Armen Sarkissian (depuis l’élection présidentielle du 2 Mars 2018) et son Premier Ministre, Nikol Pachinian (depuis 2018).

L’Arménie accède à son indépendance définitive le 21 Septembre 1991. Suivant l’exemple de l’Azerbaïdjan (qui a déclaré son indépendance de l’URSS le 30 Août 1991), la région autonome du Karabagh déclare son indépendance le 2 Septembre 1991, à la suite d’un référendum. Les autorités de Bakou envoient des troupes au Haut-Karabagh pour y rétablir leur contrôle et c’est le début du conflit.

Les Arméniens de la région s’organisent pour se défendre. Avec l’aide de l’Arménie, les combattants du « Comité Karabakh » chassent les Azéris. Les affrontements entre Arméniens et Azéris font des dizaines de milliers de victimes de part et d’autre. Malgré le cessez-le-feu conclu en Mai 1994, cette question n’est toujours pas réglée.

L’Arménie dispose d’un régime parlementaire depuis 2018. Le premier Président arménien fut Levon Ter Petrossian, qui avait pris les rênes du pays en 1991. En 1998, affaibli dans son pays après avoir souhaité renégocier le statut du Haut-Karabagh, il est poussé à la démission avant d’être remplacé par Robert Kotcharian.

Serge Sarkissian, élu Président en 2008 et réélu en 2013, fait voter à la fin de ses deux mandats, une loi accordant plus de pouvoirs au Premier Ministre, puis se fait nommer par le Parlement à ce poste, afin de contourner la clause constitutionnelle limitant à dix ans la durée des mandats de Président.

Il est brièvement nommé à ce poste sous la présidence d’Armen Sarkissian (homonyme sans lien familial) en Mars 2018, puis démissionne sous la pression de la rue et de la « Révolution de velours » qui lui reproche d’être corrompu.

Le chef de l’opposition, Nikol Pachinian lui succède au poste de Premier Ministre le 8 Mai 2018.

L’Arménie est en outre assez proche de la Géorgie, dont elle dépend économiquement pour le transit et l’importation des biens de première nécessité.

Afin de ne pas mettre en péril cette relation indispensable face au blocus imposé par la Turquie et l’Azerbaïdjan depuis des années, Erevan est resté très prudent et a évité toute déclaration intempestive sur les velléités d’indépendance qui se sont matérialisées durant l’été 2008 au sein de la Géorgie en marge de la guerre d’Ossétie du Sud de 2008. Sur la question de l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, l’Arménie s’est donc quelque peu distancée de son protecteur principal, la Fédération de Russie sans pour autant rejoindre le chœur des condamnations occidentales sur l’attitude de Moscou durant la crise.

Les Forces armées arméniennes représentent l’Armée de Terre, de l’Air, la Défense Aérienne et la Garde Frontalière de l’Arménie. Ce pays n’a pas de Marine Militaire parce qu’il est sans accès à la mer. Le commandant en chef est le Président  Armen Sarkissian. Le Ministre de la Défense, Seyran Ohanian, est chargé de la Direction Politique.

Depuis 1992, l’Arménie est membre de l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC). Avant 2010, les gardes frontaliers surveillaient la frontière de l’Arménie avec la Géorgie et l’Azerbaïdjan, les forces armées russes patrouillaient les frontières avec la Turquie et l’Iran. Mais depuis le récent accord de coopération militaire signé en Août 2010, les troupes russes patrouillent et protègent toutes les frontières de l’Arménie.

Le manque de moyens financiers empêche l’État arménien de financer de nombreux projets de développement ou de rénovation. Les dons recueillis par la diaspora arménienne par le biais d’organismes de soutien ou par l’initiative privée individuelle de personnes riches d’origine arménienne se substituent souvent à l’État défaillant : la construction d’un tunnel routier sur l’axe menant vers la Géorgie, la construction du téléphérique permettant un accès plus aisé au monastère de Tatev, la restauration de nombreux monastères, le financement d’écoles, de routes et la distribution de l’eau, surtout au Karabagh, sont désormais souvent assurés par les fonds venus de la diaspora.

Le chanteur d’origine arménienne Charles Aznavour joua, parmi d’autres, un rôle très actif dans les collectes de fonds en faveur de l’Arménie : ce fut particulièrement le cas après le tremblement de terre de Gyumri.

  • L’Azerbaïdjan

L’Azerbaïdjan est un pays du Caucase situé sur la ligne de division entre l’Europe et l’Asie.

Cette ancienne République Soviétique a des frontières terrestres avec la Russie au Nord, l’Iran au Sud, la Turquie à l’Ouest-Sud-Ouest, l’Arménie à l’Ouest et la Géorgie au Nord-Ouest.

Sa superficie est de 86 600 Km2 et sa population, 10 205 810 habitants.

Bien que le pays n’ait pas accès à la mer ouverte (c’est-à-dire donnant sur l’océan), il possède un littoral de 713 kilomètres sur la Mer Caspienne, (mer fermée) à l’Est.

Sa capitale est Bakou.

L’Azerbaïdjan est une république à régime présidentiel. Ses dirigeants ont choisi l’alliance politique avec les États-Unis et la Turquie, ce qui implique entre autres une alliance avec Israël et l’Ukraine, et dans une moindre mesure avec l’Union européenne. Son Président actuel est Ilham Aliyev qui a nommé son épouse Mehriban Aliyeva comme Vice Présidente. Le Premier Ministre est Ali Asadov.

L’Azerbaïdjan proclame son indépendance après l’effondrement du bloc communiste, le 30 Août 1991.

Dès la sortie de l’URSS, une guerre oppose l’Azerbaïdjan et les Arméniens du Haut-Karabagh, soutenus par l’Arménie, à l’issue de laquelle le Haut-Karabagh maintient son indépendance de facto.

L’économie de l’Azerbaïdjan est fortement dépendante de l’exploitation du pétrole en Mer Caspienne, qui représente 70 % de ses exportations et 50 % du budget de l’État. La croissance est élevée, de l’ordre de 34,5 % en 2006 et 29,3 % en 2007 selon la Banque Mondiale.

Les grands chantiers ont commencé quand le pays a enfin tiré profit de l’industrie pétrolière. En 2006, grâce à la mise en service du BTC (oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan), le premier super-oléoduc à destination de l’Europe, et à la flambée des cours du brut, le petit État caucasien a affiché une croissance de 36 %, un record mondial.

Les forces armées sont divisées en trois branches : les Forces terrestres azerbaïdjanaises, la Force aérienne et de Défense aérienne azerbaïdjanaise (l’Armée de l’Air) et la Marine azerbaïdjanaise. Les forces paramilitaires comprennent la Garde nationale azerbaïdjanaise, les troupes internes de l’Azerbaïdjan (une force de gendarmerie) et le Service d’État des Frontières qui peuvent être impliquées dans la défense du pays dans certaines circonstances.

Selon les sources des médias azerbaïdjanais, les dépenses militaires du pays en 2009 se sont élevées à 2,46 milliards de dollars US. L’Azerbaïdjan possède sa propre industrie de défense qui conçoit des armes légères. Dans l’avenir, l’Azerbaïdjan espère concevoir ses propres chars d’assaut, véhicules blindés et aéronefs militaires.

Le 20 Septembre 2020, le pays se lance dans le conflit au Haut-Karabagh, conflit dont l’objectif avoué est de reprendre le territoire perdu pendant la guerre du Haut-Karabagh.

La guerre dans laquelle s’est engagé l’Azerbaïdjan autour de l’enclave arménienne du Haut-Karabakh n’est pas seulement un conflit contre l’Arménie, analyse le journal azéri Zerkalo : Bakou se bat surtout contre les tentatives de reconstruction de l’Empire russe sur l’espace postsoviétique.

VI – Implication et influence des puissances régionales et occidentales dans le conflit.

Aujourd’hui, les États-Unis, la Turquie et Israël sont bien implantés dans le Caucase russe, intéressés par la position stratégique de l’Azerbaïdjan dans le Caucase et par ses ressources pétrolières et gazières.

La Russie a retrouvé une large influence à Bakou, tandis que l’Iran s’est également rapproché du pays en raison d’une forte minorité azérie d’à peu près 16 % de la population iranienne, soit 12,6 millions de personnes, mais aussi parce qu’ils recherchent une alliance pour contrebalancer l’influence occidentale sur la région. L’azeri est une langue du groupe turc et il existe de forts liens culturels et politiques avec la Turquie.

  • La Russie

La Russie est membre de l’OTSC avec l’Arménie. Moscou possède une base militaire en Arménie. Et selon la charte de cette organisation, la Russie et les autres participants sont obligés de fournir une assistance militaire au pays qui a été soumis à l’agression.

Mais dans les conditions du conflit militaire qui a éclaté, cela ne peut se produire que si les troupes azerbaïdjanaises envahissent le territoire arménien. Le Haut-Karabakh lui-même est une république non reconnue et la Russie n’a aucune obligation de la défendre.

Le conflit entre ces deux ex-Républiques soviétiques autour de ce territoire autoproclamé indépendant place le Kremlin dans une situation délicate. Malgré la résurgence régulière d’affrontements entre les deux Etats voisins qui se vouent une haine tenace, Moscou était jusqu’ici parvenu à contenir la situation.

Ainsi, la stagnation du conflit permettait à Moscou de se positionner en tant qu’arbitre, en vendant des armes aux deux camps pour maintenir un équilibre des forces, mais aussi pour le plus grand bien des affaires du complexe militaro-industriel russe. Ce qui incitait Bakou à reprocher de temps à autre à la Russie de livrer des armes plus perfectionnées à Erevan, sans compromettre néanmoins leurs relations.

La guerre de tranchées à laquelle se livraient Bakou et Erevan a également changé de nature, avec l’utilisation de drones kamikazes qui contribuent à donner une supériorité aérienne à l’Azerbaïdjan.

Selon le Stockholm Peace Research Institute (SIPRI), la part des armes russes dans l’importation totale des produits de défense azerbaïdjanais était d’environ 22%. Et en Arménie, au cours des cinq dernières années, presque tous les achats de matériel militaire sont venus de Russie. Le volume annuel moyen des livraisons d’armes russes à l’Arménie et à l’Azerbaïdjan dépasse 100 millions de dollars.

Alors que le conflit au Karabakh se résumait à des affrontements le long de la ligne de démarcation, l’exportation d’armes vers l’Arménie et l’Azerbaïdjan était relativement sûre. Mais maintenant, cette situation a fondamentalement changé. La Turquie et l’Azerbaïdjan rejettent la poursuite des négociations de paix précédentes et proclament que l’objectif de la guerre est le transfert du Haut-Karabakh sous le contrôle de l’Azerbaïdjan.

Avec la dégradation de la situation encore entre les belligérants, le Président russe, Vladimir Poutine, est obligé d’agir en usant de sa carte diplomatique afin de d’arracher un cessez-le-feu, car soutenir Erevan contre Bakou présente en effet le risque de perdre du terrain en Azerbaïdjan et de conforter l’influence turque dans son arrière-cour politique.

Ne rien faire serait interprété dans toute la région du Caucase du Sud hautement inflammable comme un signe de faiblesse de Moscou, alors que la Russie et l’Arménie sont liées par un accord de défense – même si celui-ci ne concerne pas l’enclave séparatiste du Haut-Karabakh.

Arbitre depuis vingt-six ans du différend territorial entre Erevan et Bakou, le Kremlin voit ses marges de manœuvre entravées par le jeu de la Turquie dans la région.

Ainsi, l’arrivée d’un nouvel acteur dans le jeu, avec la Turquie au côté de l’Azerbaïjan, marque un tournant. Non seulement le Chef de l’Etat turc, Recep Tayyip Erdogan, multiplie les déclarations en soutien à son allié, mais Ankara est fortement soupçonné de lui prêter main-forte sur le plan militaire avec, entre autres, le déploiement de miliciens syriens supplétifs de son armée auprès des forces azerbaïdjanaises.

2)   La Turquie

Depuis l’accession d’Erdogan à la présidence (2014), la Turquie cherche à renouer avec sa « grandeur perdue » et avec son passé ottoman. Réislamisation, nationalisme et « panturquisme » ont ainsi été très largement encouragés par Erdogan qui s’est lancé dans une politique internationale agressive. Cela s’observe notamment depuis 2011 en Syrie, en Libye et en Egypte (soutien aux djihadistes et aux Frères musulmans) et depuis l’été 2020 en Méditerranée orientale, face à la Grèce et à Chypre. Surtout, elle s’exprime par le soutien politique et militaire d’Ankara à Bakou contre les territoires arméniens du Haut-Karabakh, conférant une dimension régionale au conflit.

Dans cette affaire, la Turquie est la seule puissance à ne pas appeler à un cessez-le-feu entre les belligérants. Au contraire même : elle affirme qu’elle se tiendra toujours aux côtés de l’Azerbaïdjan, qu’elle encourage à reprendre « ses terres occupées ». Pire, Ankara ne cesse de jeter de l’huile sur le feu ; Yunus Kilic, un député du Parti de la Justice et du Développement (AKP) a déclaré il y a quelques jours : « Les récentes attaques de l’Arménie ne visent pas seulement l’Azerbaïdjan mais le monde turc dans son ensemble ».

Le resserrement relativement récent des liens politiques et militaires entre la Turquie et l’Azerbaïdjan est également à mettre au crédit des récentes visées expansionnistes du président Erdogan qui, sur tous les fronts, de la Syrie à la Libye, semble poursuivre les chimères du défunt Empire ottoman.

L’implication de la Turquie dans le conflit va redessiner la carte géopolitique de la région, a averti le chef du Ministère des Affaires Etrangères du Haut-Karabakh Masis Mayilyan. Dans le même temps, le Président du Parlement turc Mustafa Shentop a déclaré que « l’Arménie est un État terroriste qui menace non seulement l’Azerbaïdjan, mais également la paix dans toute la région ».

« Le moment est venu de mettre fin à la crise dans la région qui a commencé avec l’occupation arménienne du Haut-Karabakh et des régions adjacentes de l’Azerbaïdjan », avait déclaré le Président turc Recep Tayyip Erdogan : « La Turquie continuera à soutenir l’Azerbaïdjan ami et fraternel avec toutes ses capacités », avait-il ajouté.

Selon lui, la libération immédiate des terres occupées de l’Azerbaïdjan ouvrira la voie à la paix et à la stabilité dans la région. Pour le Président Erdogan, toute autre initiative et tentative de forcer les parties à un règlement est illégale et injuste, n’est que dans l’intérêt de l’Arménie. Ainsi, il a affirmé que « les coprésidents du Groupe de Minsk de l’OSCE  (États-Unis, Russie et France) n’ont pas été en mesure de résoudre le conflit depuis près de 30 ans. Au contraire, ils font tout ce qu’ils peuvent pour prolonger le problème ».

Quel serait l’objectif de l’ouverture, par Ankara, d’un nouveau front au Haut-Karabagh par l’intermédiaire de l’Azerbaïdjan ? S’agit-il de réaliser une jonction entre la Turquie et l’Azerbaïdjan, via les territoires du Nakhitchevan et du Haut-Karabagh ? Rappelons qu’un tel scénario fut brièvement réalisé en Septembre 1918 lorsque l’« Armée de l’Islam » de Nouri Pacha arriva jusqu’à Bakou, mais pour quelques semaines car l’Empire ottoman va perdre la guerre, et signer l’armistice de Moudros, puis s’effondra.

Mais dans le scénario actuel, pour gêner l’influence commerciale de Russie, la Turquie peut bloquer, en dernier recours, les détroits du Bosphore et des Dardanelles pour les navires russes ; et par la même occasion, bloquer la livraison de marchandises à la base militaire russe en Syrie.

  • Israël

Tout à sa volonté de diversifier ses partenariats stratégiques, et de diminuer sa dépendance à l’égard de Moscou, l’Azerbaïdjan s’est rapproché d’Israël ces dernières années. Depuis 2016, Israël est le premier fournisseur d’armes à l’Azerbaïdjan.

Les résultats de cette nouvelle alliance sont visibles de manière très concrète : les forces armées azerbaïdjanaises utilisent des drones, notamment le « drone kamikaze » de fabrication israélienne Harop, contre des cibles arméniennes ou séparatistes.

Aussi, l’Etat hébreu a d’autres intérêts en jeu dans la sous-région : les services israéliens ont utilisé l’Azerbaïdjan pour des opérations clandestines contre l’Iran, les deux pays partageant plus de 600 kilomètres de frontière.

Ainsi, dans sa guerre contre l’Arménie, l’Azerbaïdjan peut compter sur cet allié de poids. Les drones israéliens lui confèrent un redoutable avantage technologique.  Un drone appartenant à l’armée azerbaïdjanaise a d’ailleurs été capturé par l’Arménie.

Entre le 22 et le 30 Septembre, six Iliouchine IL-76, des cargos gros-porteurs azéris, se sont posés sur la base militaire d’Ouvda, dans le Sud d’Israël. Ils sont tous repartis quelques heures plus tard. Avec quelle cargaison ? Côté Israélien, on reste silencieux. Mais on sait que depuis 2016, dans les combats contre l’Arménie au Haut-Karabakh, l’armée azérie utilise des drones fabriqués par les industries aéronautiques israéliennes.

Dans une interview au site d’information israélien Walla, Hikmet Hajiyev, le Conseiller du Président de l’Azerbaïdjan, a confirmé l’utilisation des dites armes.

  • L’Iran

La République Islamique d’Iran, qui partage une frontière commune avec l’Arménie et l’Azerbaïdjan, a rapidement mis en garde contre toute intrusion sur son territoire, alors que plusieurs villages iraniens ont déjà été frappés par des mortiers. Mais là n’est pas l’unique préoccupation de Téhéran, qui doit coûte que coûte préserver son intégrité nationale.

En effet, la République islamique est composée de plusieurs groupes ethniques. La communauté azérie, la première minorité du pays, représenterait entre 15 et 30 millions de personnes sur les 80 millions d’habitants que compte l’Iran, tandis que la communauté arménienne en représente environ 300.000.

Ainsi, Téhéran surveille aussi de très près ce qui se passe juste au Nord d’autant plus qu’elle compte à la fois une importante diaspora arménienne et une minorité ethnique azérie. D’ailleurs, quelques manifestations de soutien à Bakou ont été rapportées ces derniers jours dans la capitale iranienne. Mais officiellement, le pays appelle à un cessez-le-feu et se dit inquiet de la présence des mercenaires « syriens et libyens ». Toutefois, des représentants du Guide Suprême, notamment dans la région frontalière d’Ardabil, ont pris position en faveur de Bakou.

Ainsi, apparaît l’existence de deux axes dans la politique de Téhéran : d’un côté ;  « l’axe Rohani-Zarif, qui ont opté pour la neutralité » et de l’autre,  « des représentants du Guide suprême dans quatre provinces à population majoritairement turque, qui ont affirmé leur soutien à l’Azerbaïdjan ».

Plus récemment, le 6 Octobre, Ali Akbar Velayati, Conseiller du Guide a également pris position en faveur de l’Azerbaïdjan : « Nous nous opposons à l’occupation du territoire azerbaïdjanais de la même façon que l’on s’oppose à l’occupation en Palestine par le régime sioniste », en ajoutant néanmoins, que « la solution au conflit ne peut être que politique ».

5)   Les Etats Unis

Jusque là, Donald Trump semble désintéressé par ce qui se passe au Haut-Karabagh ou bien il est plus préoccupé par son état de santé et la campagne électorale en vue de sa réélection.

Toutefois, les intérêts entrecroisés des uns et des autres montrent la complexité de la situation dans le Haut-Karabakh et en même temps les risques que celui-ci présente pour toute la région, voire au niveau international.

 Il y a en effet, un vrai risque que la guerre entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie devienne une sorte de « trou noir géopolitique » qui attire irrésistiblement vers lui l’ensemble des puissances régionales, voir des puissances internationales. Car les « puissances impérialistes », sauf les Etats-Unis qui, pour le moment, ne semblent pas intéressées (et peut-être pas capables non plus de jouer un rôle fondamental dans ce conflit).

Mais une chose est sûre, en cas de dégradation de la situation, elles seraient toutes obligées d’intervenir d’une façon ou d’une autre.

Quoi qu’il en soit,  les Etats-Unis qui n’ont que très peu d’intérêts à se mêler de ce conflit, verraient d’un mauvais œil la dégradation des rapports entre la Russie et la Turquie.

VII – Les mécanismes de négociations et la recherche de solution au conflit

Il est créé lors de sa réunion à Helsinki en 1992 par la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE) (devenue l’OSCE ou Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe). Cette rencontre avait demandé à l’époque au Président en exercice, de convoquer dès que possible, une conférence sur le conflit du Haut-Karabakh impliquant l’Arménie et l’Azerbaïdjan.  Cet événement devait avoir lieu à Minsk (en Biélorussie) et offrir un forum de négociations en vue d’un règlement pacifique.

Par ailleurs, le Conseil de Sécurité des Nations Unies a adopté en 1993 quatre résolutions sur le conflit du Haut-Karabakh.

Ces résolutions demandaient la cessation des activités militaires et des actes hostiles, le retrait des forces et la reprise des négociations, condamnaient la violation du cessez-le-feu alors en vigueur et le recours excessif à la force en riposte à cette violation.

En 1994, le Sommet de l’OSCE à Budapest a créé le Groupe de Minsk, qui se présentait alors comme une organisation européenne chargée d’encourager la recherche d’une résolution pacifique et négociée entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, lors du conflit les opposant sur le Haut-Karabagh.

Ce Sommet de Budapest de l’OSCE a établi une coprésidence : les Etats-Unis, la Fédération de Russie et la France.

Le Haut-Karabakh a obtenu le droit de participer aux négociations en tant que partie intéressée. La formule « les élus et autres représentants du Haut-Karabakh » se réfère aux « autorités de fait » et aux réfugiés azerbaïdjanais.

En 1996, le Sommet de Lisbonne de l’OSCE a élaboré trois principes pour le règlement du conflit du Haut-Karabakh qui n’ont pu être adoptés par consensus du fait de l’opposition arménienne :

 –  intégrité territoriale de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan ;

            – le statut juridique du Haut-Karabakh doit être fondé sur l’autodétermination et

              le degré maximum d’autonomie en sein de l’Azerbaïdjan ;

 – et une sécurité garantie pour le Haut-Karabakh et l’ensemble de sa population.

Le Groupe de Minsk a bénéficié de l’assistance d’organes complémentaires de l’OSCE tels que le Groupe de Planification de Haut niveau, composé d’experts militaires détachés par les Etats membres de l’OSCE, et le représentant personnel du Président en exercice qui réside dans la région.

Le Groupe de Minsk a proposé plusieurs plans de paix qui ont été rejetés parce qu’ils n’étaient pas considérés comme répondant de manière acceptable aux principales préoccupations de l’une ou l’autre partie au conflit, telles que:

 – le (calendrier du) retrait des territoires occupés ;

 – la solution pour le district de Latchin ;

–  le retour des réfugiés (où, comment et à quel rythme) ;

–  le statut du Haut-Karabakh en tant que partie reconnue au conflit ;

– le futur statut juridique du Haut-Karabakh ;

– le calendrier de la levée du blocus  (le gazoduc, la liaison ferroviaire Idgevan-Qazax, les autres voies de communication) ;

               –  la garantie du futur statut du Haut-Karabakh, y compris la présence d’une

                  Force de Maintien de la Paix (la composition de cette force : russe plus CEI et

                  OSCE, etc.).

En termes de bilan, les négociations directes au plus haut niveau entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan remontent à 1991.  Les Présidents Aliev et Kotcharian se sont rencontrés à près de 20 reprises sans que la moindre percée ni mesure décisive ne soit en vue.

Aujourd’hui, la troïka (La France, la Russie et les Etats-Unis) du Groupe de Minsk, dénoncent l’escalade du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, une « menace inacceptable pour la stabilité de la région ». Dans une déclaration commune, les Ministres des Affaires Etrangères des trois pays ont dénoncé les attaques récentes qui auraient visé des installations civiles et ont également réitéré leur appel à un cessez-le-feu immédiat et sans condition.

2)   La carte de Moscou dans les pourparlers

Pour trouver un cessez-le-feu, le Kremlin doit impérativement s’impliquer, compte tenu du rôle prédominant que joue Vladimir Poutine dans la géopolitique du Caucase poste soviétique. En effet, le Caucase est une région très importante pour sa défense.

On se demande si l’intérêt de Moscou n’est de garder le statu quo et éviter des agitations qui puissent redéfinir le rapport de forces dans la région ? Cependant, le conflit actuel pourrait bien mettre à mal l’hégémonie russe dans sa périphérie. Non seulement elle ne peut pas se permettre de laisser un allié se faire humilier militairement sans rien faire, mais le fait de se montrer incapable d’arrêter les combats remet en cause son rôle de « garant de la paix et la sécurité » de ses alliés.

A cela il faut ajouter le fait que ces dernières semaines, plusieurs pays faisant partie de la « sphère d’influence russe » sont secoués par des mobilisations remettant en cause les régimes politiques en place, en plus de la guerre qui a éclaté dans le Haut-Karabakh. Tout cela met sous pression la politique étrangère de Moscou.

Pour le moment, les dirigeants russes semblent considérer que les choses n’échappent pas complètement de leur contrôle ; mais on ne peut pas exclure une politique plus active de la Russie si la situation se dégrade davantage.

Par ailleurs, il reste à voir également comment vont évoluer les relations russo-turques après ce conflit.

Aucune issue politique n’a pu encore être trouvée, le principe de l’autodétermination s’opposant ici à celui du respect de l’intégrité territoriale. Le litige s’éternise parce que les enjeux géopolitiques semblent majeurs.

La Russie veut garder son influence sur ce territoire. L’Arménie pourrait accepter de restituer les positions qu’elle a conquises moyennant une assurance que l’enclave du Haut-Karabagh demeure autonome. Mais la Russie devrait se porter garante de l’enclave pour qu’un accord puisse voir le jour ; et cette enclave pourrait être rattachée à la Russie sous forme de dominion. Pour le moment, la Russie ne bouge pas : elle gagne probablement plus à faire respecter le statu quo qu’à résoudre la crise.

Pour l’Azerbaïdjan, toutes les propositions sur la table n’envisagent pas d’autre scénario que de « mettre un terme à l’occupation » arménienne dans le Nagorny Karabakh, comme demandé par plusieurs résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU il y a plus de 25 ans.  « Si l’Arménie n’est pas prête à le faire, il n’y a pas de bonne raison pour un cessez-le-feu », dit-elle également. Tout en précisant que Bakou a insisté « depuis le début » sur l’importance de pourparlers.

Les coprésidents du Groupe de Minsk souhaitent un cessez-le-feu entre les deux Etats pour pouvoir revenir à des discussions formelles pour une solution aux divisions sur la région. On parle aussi d’un échange territorial afin de résoudre le problème : le Haut-Karabagh à l’Azerbaïdjan et le Nakhitchevan à l’Arménie. C’est la solution préconisée par les Américains parce qu’elle préserverait les intérêts géopolitiques des États-Unis et de leur allié turc dans la région, tout en réduisant le rôle de la Russie.

  Conclusion

La guerre dans le Haut-Karabakh qui a repris le 27 Septembre 2020 est partie pour durer. Les deux camps sont décidés à se battre jusqu’à l’issue que l’un et l’autre se sont fixée.

L’Azerbaïdjan est décidé à reprendre ce territoire et à clore ainsi l’épisode de guerre précédent qui a eu lieu de 1992 à 1994, stoppé par un cessez-le-feu.

De son côté, l’Arménie ne veut pas battre en retraite.

Les affrontements en cours semblent faire partie d’un jeu géopolitique plus large, où les principaux acteurs sont entourés de figures plus imposantes et influentes. Notons qu’à l’exception de la Turquie et du Pakistan, les autres pays se sont limités à des déclarations et à des invitations à la négociation. Rien de plus. C’est loin d’être anodin et ce n’est pas un hasard. L’avancée et plus encore l’issue du conflit dans le Haut-Karabakh présentent un intérêt immédiat et surtout stratégique pour les États tiers.

C’est donc une crise majeure aux conséquences imprévisibles qui vient d’éclater dans le Caucase. Son importance n’est pas suffisamment perçue comme telle en Occident.

S’il s’agit pour les Azéris d’une question d’orgueil (reconquérir certains des territoires perdus en 1994), ce conflit revêt une dimension existentielle pour les Arméniens. Rappelons que les Azéris ont joué un rôle important dans le génocide de 1915 et qu’ils se sont ensuite livrés à un véritable nettoyage ethnique au Nakichevan en 1918.

C’est également une nouvelle illustration de la politique expansionniste du Président Erdogan et de la volonté d’Ankara de réaliser son « projet panturquiste » avec l’Azerbaïdjan, en mettant la main sur le Karabakh et le couloir stratégique du Zangezour, cette bande de territoire arménien qui empêche la jonction entre les deux pays turcophones.

Les combats que mène l’Azerbaïdjan, en cas de victoire même partielle, auront un impact réel sur les rapports de force dans le Caucase du Sud, en Abkhazie et en Ossétie du Sud, deux régions sécessionnistes de la Géorgie reconnues par la Russie en 2008, à l’issue d’une courte guerre russo-géorgienne en Ossétie du Sud et au-delà, dans le Caucase du Nord majoritairement musulman et faisant partie de la Fédération de Russie.

Les Occidentaux et la Russie ne peuvent rester indifférents à ce qui se passe au Haut-Karabakh. Non seulement parce qu’un risque d’embrasement régional existe, mais aussi parce que s’y joue un nouvel épisode d’une guerre de civilisations, ou d’une « guerre froide ».

Une victoire écrasante de Bakou irait contre les intérêts de la Russie, qui met de plus en plus de moyens pour l’empêcher. L’Occident espère que la Russie se trouve le plus possible empêtrée sur ses frontières méridionales, l’obligeant à relâcher son attention à l’Ouest : nous parlons de la Biélorussie, de l’Ukraine et de la Moldavie.

Ibrahima Dieng

Chroniqueur International

Directeur Administratif et Financier du

Groupe Scolaire le Baobab de Guédiawaye

Ancien Chef du Desk International de Oxyjeunes FM de Pikine

Dossier Géopolitique

Le Caucase russe après la dislocation de l’URSS : les enjeux géo stratégiques dans la guerre au Haut-Karabagh entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

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