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DU CORONAVIRUS À L’ÉCOLE: LE SAUVETAGE DE TOUS LES DANGERS! ( Par Bacary Seck )

Les élèves en classe d’examen, ainsi que les enseignants vont reprendre le chemin des établissements scolaires ce Mardi 02 Juin 2020. Cette décision de l’État du Sénégal a surpris plus d’un.
Au moment où la pandémie du virus Corona poursuit son bonhomme de chemin, avec près de 3800 cas recensés depuis le début, le gouvernement sénégalais a décidé de la rouverture des établissements scolaires. Une annonce qui a fini de soulever moult interrogations des acteurs directs du système éducatif. Dès élèves aux enseignants, en passant par les parents, les questionnements fusent de partout.
Quoi de plus normal! Il est aisé de comprendre leur affliction ( il s’agit bien de cela), vu la propagation du virus. Même si nos vaillants médecins ( que nous encourageons et félicitons au passage car ayant été dès le début au devant de la scène, et ayant largement contribué aux résultats que nous savons tous), nos chercheurs et tout le personnel de santé sont sur le qui-vive, il n’en demeure pas moins que cette pandémie continue de faire des ravages dans notre pays, avec la résurgence des cas communautaires et importés ( c’est le cas de cet enseignant qui était en Guinée). Comment est-il possible de reprendre les enseignements dans le cas actuel? Qu’en sera-t-il de ces soldats du savoir devant servir dans les épicentres de ce virus? Les moyens et garanties annoncés par l’État seront-ils au rendez-vous ?
✓ Le premier échec de cette rouverture des classes ( d’examen) réside d’abord dans le rassemblement des enseignants pour leur convoyage. Entassés comme des pots de sardine au terminus Liberté 5, les images ont frisé le ridicule. Comment des responsables, aussi importants que les enseignants, peuvent-ils être traités de la sorte? N’est-ce pas lui, celui entre les mains de qui, le Président de la République, les ministres, les médecins etc, sont devenus ce qu’ils sont?
✓ Le deuxième échec est le convoyage même de ces enseignants à leur lieu de service. Telle a été notre surprise de constater que ce voyage du retour s’arrêtait sur la route nationale. Par exemple, les enseignants qui ont embarqué depuis Dakar, et qui devaient se rendre dans le Cayor, sont laissés à Tivaouane, et c’était à eux de se débrouiller pour rallier leur lieu de service ( par exemple Pékésse, Thilmakha…). Ce serait facile pour eux s’ils trouvaient des véhicules et si le coût du transport n’avait pas été majoré au quintuple, voire au sextuple. Arrivés sur place, ils n’ont trouvé personne à qui s’adresser ( ni à l’IEF, ni à la Préfecture).
✓ Le troisième échec se trouve dans l’attribution des laisser-passer. Beaucoup d’enseignants n’ont pu en disposer même au niveau du SIMEN. En fin de compte, les autorités scolaires ont demandé de simplement présenter la pièce d’identité nationale et un bulletin de salaire ou un certificat de prise de service.
✓ Le quatrième échec est que beaucoup d’enseignants ont été laissés en rade dans leur localité, faute de bus. Comment vont-ils faire si le transport d’une région à une autre est interdit?
✓ Le cinquième échec concerne les élèves à qui on demande de présenter un certificat de scolarité ou le bulletin du premier semestre. Tout le monde sait que les conseils de classe n’ont pas pu être tenus à cause de la fermeture des établissements, donc impossible pour un élève de présenter le bulletin. Et en plus, il n’est pas évident de trouver un élève trimballer avec une carte d’identité scolaire ou un certificat de scolarité.
✓ Le sixième échec, et non le moindre, est la mise à disposition des moyens de prévention de l’État, dans les structures scolaires. Tout le monde a entendu le ministre de l’éducation parler de trois ( 3) masques par élève et par enseignant. Il se trouve que dans la plupart des établissements scolaires, la dotation ( qui a été acheminée par les chefs d’établissement) n’était pas suffisante. Pour la plupart, si ce n’est pas l’insuffisance qui est notée, c’est un masque pour chacun. Qui plus est, ce sont des masques faits avec du tissu wax, tissu qui ne permet pas une respiration adéquate.
À tous ces manquements, vient s’ajouter la stigmatisation dont sont victimes certains enseignants. En effet, de retour dans leur lieu de service, certains d’entre eux ont été agressés ( les populations s’en sont violemment pris à eux en saccageant leur domicile. Ailleurs, des enseignants se sont vus reconduits aux portes du village, sous prétexte qu’ils pourraient être porteurs du virus. Nous ne parlons même pas des localités où les populations ont dit que chez eux, il n’y avait jusque-là pas de cas lié à la COVID 19, et que si un cas venait à être décelé, ce serait la fautes aux enseignants et au gouvernement.
Sauver l’année ? D’accord. Ne pas faire perdre à nos élèves une année de leur cursus scolaire? D’accord. Mais à quel prix?
Une petite parenthèse : certaines personnes audacieuses, comme ce directeur de publication du journal “Le Témoin”, s’en sont violemment pris aux enseignants, les taxant de fainéants! La sécurité personnelle et la fainéantise sont deux choses totalement différentes. Le fait d’être habitué à travailler, et parfois dans des conditions extrêmes, fait que, quand l’enseignant reste une semaine voire deux sans rien faire, cela se ressent dans ses articulations: il est fatigué parce qu’il ne fait rien. Pour dire à cet homme, et éventuellement à ceux qui pensent la même chose, que l’enseignant ne saurait recevoir de leçons de la part de ceux-là qui exercent dans des bureaux climatisés, qui ne sont pas en contact continue avec des centaines d’individus.
Pour en revenir à cette reprise des enseignements, force est de constater qu’il y a beaucoup de manquements, en amont comme en aval. L’idéal est de reprendre les cours certes, mais il fallait y réfléchir longuement ( même si l’État a reçu toutes les données et recommandations), mettre en place tous les moyens de prévention et en nombre suffisant ( sinon acceptable), s’assurer surtout que les enseignants retournent et dans les meilleures conditions.
Mal pensée, cette décision qui suscite déjà des interrogations n’est pas voulue par beaucoup de parents d’élèves qui disent tout haut qu’ils ne laisseront pas leur progéniture aller sur l’autel du sacrifice. Compréhensibles supputations ! La pandémie, non loin de regresser, continue journellement d’attiser les feux des discussions, et aucun parent, aucun individu allons-nous dire, ne voudrait voir son parent atteint du CORONAVIRUS.
Cette réticence des parents pourrait se justifier par l’exemple de la France ( qui a débloqué beaucoup plus de moyens) qui, ayant ouvert ses écoles, au bout de cinq jours, était contrainte de les refermer, tellement le nombre de contaminations était élevé chez les enseignants et les élèves.
Pour terminer, le Ministre avait dit que, si les conditions n’étaient pas réunies, que les enseignants n’aillent pas en classe. Déjà, nous sommes à la veille de la rouverture, et dans beaucoup d’écoles, les conditions ne sont pas réunies. Mais, si les enseignants décidaient de ne pas entrer en classe, ils deviendraient ( comme cela a toujours été) les proies aux invectives puériles. Évidemment, la médiatisation de la reprise se fera à partir des établissements où tous les moyens seront mis; ceci pour palier aux interprétations négatives de la population. Ce qui fera que, si dans une zone, les enseignants fustigent le manque moyens, ils seront fusillés verbalement par les citoyens.
Touchons du bois et espérons tout simplement ne pas avoir à regretter cette décision de rouvrir les écoles.

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