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Entretien : Nafissatou Diallo, députée et porte-parole du Pds se déchaine sur Macky Sall, Amadou Ba, Aminata Touré, l’opposition radicale…

Après que la coalition Yewwi Askan Wi a porté son choix sur Aminata Touré contre le Parti démocratique sénégalais (Pds), les libéraux se sont retrouvés isolés, aux yeux de plusieurs observateurs de la scène politique. Mais faux, rétorque Nafissatou Diallo, députée à l’Assemblée nationale et porte-parole des libéraux. Dans cette interview, elle a fait de votre canard un exutoire pour laisser sortir toute sa colère dans un « pays qui marche par la tête », dit-elle.    

Source A : Vous rendez-vous compte que Yewwi Askan Wi a choisi Aminata Touré, en lieu et place du Parti démocratique sénégalais, concernant la Plateforme portée sur les fonts baptismaux contre une troisième candidature de Macky Sall ?

Nafissatou Diallo :  Le Parti démocratique sénégalais (Pds) préfère rester constant dans sa logique de toujours. Nous sommes pour un assainissement de la politique. Pour des changements et des valeurs. La démocratie n’est pas statique, elle évolue. Il est hors de question pour nous que quelqu’un qui a été le numéro 2 du régime de Macky Sall pendant 10 ans revienne se ranger dans l’opposition et que nous la blanchissions. Je ne vois pas pourquoi l’opposition va vite en besogne. Si elle est en train d’adopter les mêmes méthodes que Macky Sall, autant le laisser ici. C’est inutile de se battre. D’ailleurs, nous ne sommes pas sur ce débat. Ce sont les gens qui veulent mener le débat sur des questions de personnes. Nous, nous parlons de valeurs, de démocratie, pas des questions bassement individualistes. Nous sommes dans l’opposition et il ne faut pas que les gens s’attendent à ce qu’on soit radical. Ça joue contre la personne. Quand on est trop radical, on finit par renforcer son adversaire.

«Il est hors de question pour nous que quelqu’un (Ndlr : Mimy Touré) qui a été le numéro 2 du régime de Macky Sall pendant 10 ans revienne se ranger dans l’opposition et que nous la blanchissions. Je ne vois pas pourquoi l’opposition va vite en besogne. Si elle est en train d’adopter les mêmes méthodes que Macky Sall, autant le laisser ici. C’est inutile de se battre»

Source A : Ne pensez-vous pas que la démocratie a respiré le jour où Ousmane Sonko et Aminata Touré se sont rencontrés ?

Nafissatou Diallo : Mais, ce n’est pas notre problème. Vous voulez nous amener dans un débat qui n’est pas le nôtre. Nous croyons aux libertés des gens. Les Partis politiques sont des Organisations privées. Comment travaillent-elles ? Cela les regarde. Et nous demandons le même respect ! Vous n’entendez jamais le Pds se mêler des histoires des autres Partis politiques. La presse, vous-mêmes, vous êtes très injuste dans le traitement des dossiers. Pourtant, notez-le, Abdou Bara Doli, à ce que je sache, n’a jamais occupé de poste dans le Gouvernement de Macky Sall. Mais quand il a voulu intégrer Yewwi lors des Locales, parce qu’il a eu des problèmes avec le président du PUR, il a été récusé. Pourquoi la presse ne s’attaque pas à ces cas-là. Mais c’est le Pds qui vous intéresse ! Autrement dit, quand Yewwi a récusé Bara Doli, cela n’a choqué personne. Elle n’en avait pas le droit. Et nous, non. Ou nous sommes des sous-hommes. Mais ce pays marche par la tête !

«Abdou Bara Doli, à ce que je sache, n’a jamais occupé de poste dans le Gouvernement de Macky Sall. Mais quand il a voulu intégrer Yewwi lors des Locales, parce qu’il a eu des problèmes avec le président du PUR, il a été récusé. (…) En aucun moment, Abdoul Mbaye n’a attaqué le Pds »

Source A : Pourtant, on vous reproche d’être en parfaite odeur de sainteté avec l’ancien Premier ministre, Abdoul Mbaye qui vous avait taxé de menteurs à l’époque ?

Nafissatou Diallo : Mais justement ! Cela m’a fait rire. Il faut reconnaître que Abdoul Mbaye a toujours dit que la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) doit avoir un double degré de juridiction. Ce sont des gens qui ne savent absolument rien qui parlent. Ou ils sont amnésiques ? Ou ils ont commencé le combat qu’en 2019 ? La politique n’a pas commencé en 2019, c’est pourquoi ils font ces genres d’analyse basique. Ils ne savent pas ce qui s’est passé avant. En aucun moment, Abdoul Mbaye n’a attaqué le Pds. Il était Premier ministre, certes. Nous ne disons pas que toutes les personnes qui étaient avec Macky Sall sont mauvaises. On a parlé de celle qui a validé toutes les attaques contre l’opposition, qui les a défendues partout, qui s’est mêlée des dossiers politiques et judiciaires.

«Nous n’arrivons pas à pardonner à cette personne (Ndlr : Mimy). Elle sait ce qu’elle a eu à faire dans ce dossier (Karim Wade). De la même manière, Monsieur Ousmane Sonko, quand il s’attaque à Bassirou Guèye ou à Oumar Makham Diallo, sait ce que ces deux personnes ont fait dans le dossier l’opposant à la masseuse»

Nous n’arrivons pas à pardonner à cette personne. Elle sait ce qu’elle a eu à faire dans ce dossier (Karim Wade). De la même manière, Monsieur Ousmane Sonko, quand il s’attaque à Bassirou Guèye ou à Oumar Makham Diallo, sait ce que ces deux personnes ont fait dans le dossier l’opposant à la masseuse. Nous avons dit que Mimy a été le bras armé de toutes les attaques contre l’opposition. C’est elle qui portait le combat. Abdoul Mbaye n’a jamais traité Abdoulaye Wade de sorcier, ni de tel autre propos déplacés. Les gens racontent n’importe quoi sans avoir le sens de la comparaison. On a dit que c’est Mimy Touré qui a validé tous les points contre l’Etat de droit, jusqu’au rejet de la liste Yewwi (des titulaires).

« Je jure que si on tend une sucette à Mimy, elle tourne le dos à l’opposition ; c’est hallucinant, ce pays ! »

On a dit que Mimy a été l’exécutrice de tous les sales boulots du Pouvoir. Ce n’est pas pour une histoire de poste que nous allons la blanchir aujourd’hui. Elle a traité tout le monde de voleur. Elle s’est acharnée sur nous. Aminata Touré ne croit même pas à ce qu’elle dit aujourd’hui. C’est hallucinant, ce pays ! C’est une question de valeur, pour nous. Il n’est pas question de partager une plateforme politique avec elle. C’est hors de question. Je jure que si on tend une sucette à Mimi, elle tourne le dos à l’opposition. Elle ne croit en rien, même pas à ce qu’elle dit. Depuis qu’elle allait à l’Assemblée nationale, elle n’a cessé de dénigrer l’opposition. Elle se permet de retourner sa veste aujourd’hui. Et ce sont ces antivaleurs qui sont devenues la norme parce que les gens ont peur de dire la vérité dans ce pays. Si elle obéissait aux ordres de son mentor, pourquoi n’a-t-elle pas obéi quand Macky Sall lui a dit qu’elle ne serait pas présidente de l’Assemblée nationale ? Parce que ça ne l’arrangeait pas ? Mais ce pays marche par la tête !

«Il n’est pas question de partager une plateforme politique avec elle. C’est hors de question. Elle (Mimy) ne croit en rien, même pas à ce qu’elle dit. Les antivaleurs sont devenues la norme parce que les gens ont peur de dire la vérité dans ce pays »

Source A : Flirtez-vous avec les gens du régime, Macky Sall en particulier ?

Nafissatou Diallo : Si Macky, lui-même, demande à partager une plateforme politique, on lui dira qu’il en est l’artisan. Mais le jour où ils subiront le quart de ce qu’on a subi, ils verront de quoi il s’agit. Les gens comprendront le jour où Macky Sall dira qu’il veut partager avec nous une plateforme politique. Il entendra pire que ce qu’on a dit à Mimy Touré. On n’est pas avec Macky Sall. On compte s’opposer à lui et le remplacer. Les autres ne sont pas nos adversaires. Nos yeux sont rivés sur Macky Sall. On veut sa place. D’ailleurs, j’assume de ne pas voter cette motion de censure pour son contenu, très léger. Pourtant, le jour du vote, j’ai traité Amadou Ba de tous les noms d’oiseaux. J’ai dit qu’il doit être poursuivi par la Crei. D’où est-ce qu’il tient toute sa fortune. De plus, il n’est pas étranger à la situation d’endettement de notre pays. Personne n’a osé lui dire cela. On m’a insultée, cette nuit-là, parce que j’ai demandé d’où est-ce qu’il tient sa fortune. On est à 14 400 milliards d’endettement en 10 ans. Elle n’est pas soutenable cette dette ! Qui est à l’origine de cette dette ? C’est Amadou Ba ! Avec les eurobonds, etc. Un endettement fulgurant qu’on ne sent même pas. Si on avait écrit la motion sur cette base, elle serait défendable partout dans le monde. Pourquoi on a voté la déchéance contre Mimi ?

«On est à 14 400 milliards d’endettement en 10 ans. Elle n’est pas soutenable cette dette ! Qui est à l’origine de cette dette ? C’est Amadou Ba ! Avec les eurobonds, etc.»

C’est justement parce que nous sommes constants. L’article 60 de la Constitution est fait pour sécuriser l’opposition. Tout le monde a vu qu’elle a démissionné (Aminata Touré) de son Groupe parlementaire, qu’elle était dehors et ne faisait plus partie de son Parti. Elle a fait une démission de fait. Vous savez, les textes de l’Alliance pour la république (Apr) sont des copies collées des textes du Pds. Elle a fait une démission de fait, on l’avait utilisée contre Mbaye Ndiaye et Cissé Lo.

«J’ai dit que Amadou Ba doit être poursuivi par la Crei et Macky Sall doit rembourser les indemnités offertes à Mbaye Ndiaye et Cissé Lo, au risque d’être poursuivi. Parce qu’il a utilisé la même Loi pour destituer Mimy Touré de son poste.»

Nous devons même demander à Macky Sall de rembourser l’argent avec lequel il a indemnisé Mbaye Ndiaye et Cissé Lo. On a eu raison sur l’histoire. Logique pour logique, Macky Sall doit rembourser cet argent à l’Etat, au risque d’être poursuivi. Parce qu’il a utilisé la même Loi pour destituer Mimy Touré de son poste. On est constant. On est formé par Wade. On n’est pas dans les émotions. Si on voulait soutenir Macky Sall, on est assez courageux pour le dire et l’assumer. Il faut être humain dans ce pays. C’est une question d’honneur. C’est choquant de voir comment les gens nous traitent.

Source A : Le deal qu’on vous prête existe-t-il ?

Nafissatou Diallo : Pourquoi on ‘’dealerait’’ ? Pour qu’il y ait un deal, il faudrait bien une raison. Quel est le but de ce deal ? Je pense qu’on impose à la presse sa manière de penser. Il faut savoir que, dans ce pays, il n’y pas une opposition, mais des oppositions. Quand on faisait de la politique, beaucoup n’étaient pas encore nés. Ce n’est pas au Pds qu’on va apprendre comment s’opposer. Maintenant, je veux simplement qu’on m’explique l’objet du deal. Si on deal depuis 2013, on est en prison. En 2017, on deal. 2019, pareil. 2023, on deal et que Karim est toujours en exil ; ça n’a pas de sens ! Quel est le but de ce deal ? Pour gagner quoi ? Parce que nous ne faisons pas comme les autres. Nous ne sommes pas radicaux ? Quand on n’a pas de preuves de ce qu’on dit, on se tait. Wade nous interdit de parler sans documents. D’ailleurs, on va toujours aux élections contre Macky Sall. Il faut analyser, on a le droit de ne pas partager les mêmes positions que l’opposition qu’on appelle radicale. Sinon, on allait faire une coalition unique pour aller aux Législatives.

« On n’est pas obligé de partager les mêmes combats avec cette opposition radicale. Il faut savoir que, dans ce pays, il n’y pas une opposition, mais des oppositions. Quand on faisait de la politique, beaucoup n’étaient pas encore nés. Ce n’est pas au Pds qu’on va apprendre comment s’opposer.»

C’est parce que chacun voulait garder son identité. A l’Assemblée nationale, chacun a son Groupe parlementaire parce qu’on n’a pas la même identité. On n’est pas d’accord sur tout. Quant à nous, notre priorité est qu’on arrête d’éliminer les candidats : Karim Wade, Khalifa Sall, Ousmane Sonko. Notre priorité est qu’il y ait un ministre de l’Intérieur consensuel pour gérer les élections. Notre combat, c’est pour un audit total du fichier électoral par les parties prenantes, comme on l’a fait en 2007 et 2012. On n’est pas obligé de partager les mêmes combats avec cette opposition radicale.

D’ailleurs, pour nous, le plus important est d’inscrire les personnes, après l’ouverture du fichier électoral. Et on travaille sur cela. On a pris des avocats pour voir comment aider ceux qui ne peuvent pas voter, tout comme on a mis en place les différents secteurs pour le congrès d’Investiture, prévu après le mois de Ramadan.

«Nous ne sommes pas concernés par les gens qui doivent recouvrer leurs droits civils et politiques. Depuis le 21 Août 2020, Karim Wade devient électeur et éligible en vertu de la Loi électorale.»

Source A : Êtes-vous toujours contre l’Amnistie ?

Nafissatou Diallo : On ne veut pas d’une amnistie. Ni aujourd’hui, encore moins demain. Le principal concerné n’en veut pas. Il ne votera pas cette amnistie. On veut la révision du procès. D’ailleurs, elle est devenue inutile. Car on a recouvré nos droits civils et politiques depuis 2020. Quand on a été condamné par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), le juge n’avait pas prononcé la déchéance des droits civils et politiques de Karim Wade. Rappelez-vous, Sidiki Kaba était sorti pour le dire ; que le juge a refusé de prononcer la déchéance. Et si l’article L.31 (devenu L.29) disait que Karim n’a pas le droit de participer aux élections, L.32 (devenu L.30) limite cette interdiction d’inscription sur les listes à une durée de 5 ans. Ainsi, depuis le 21 Août 2020, Karim Wade devient électeur et éligible en vertu de la Loi électorale. Donc il a recouvré ses droits. Quand les gens parlent, on les laisse faire. Mais on sait pertinemment ce que nous faisons et sur quoi nous nous basons. Je l’ai dit d’ailleurs à Ismaila M. Fall, à l’Assemblée nationale, qui ne m’a pas démentie. C’est pour dire que nous ne sommes pas concernés par les gens qui doivent recouvrer leurs droits civils et politiques. On est très sûr de nous sur ce point ».

Propos recueillis par Amadou DIA

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