Poursuivi pour des faits d’escroquerie, de faux et d’usage de faux en écritures de banque et de blanchiment de capitaux, le chef de réseau à l’agence Yup de Touba et Thiès, Mor Guèye Sine faisait face au juge de la chambre correctionnelle de Dakar, hier. Le représentant du ministère public a requis contre lui une peine ferme de 3 ans et la saisie de tous ses biens. Il sera fixé sur son sort le 23 juin prochain.
En sus de la peine ferme de trois (3) ans requise par le substitut du procureur à son encontre, Mor Guèye Sine risque de perdre tous ses biens. Il comparaissait, hier, devant le juge de la chambre correctionnelle du tribunal de Dakar pour répondre des faits d’escroquerie, de faux et d’usage de faux en écritures de banque et de blanchiment de capitaux. De l’économie des faits, il ressort que le prévenu a été employé depuis 2017 comme chef de réseau à l’agence Yup de Touba et Thiès, une filiale de la Société Générale de Banque au Sénégal, (Sgbs).
Mais Mor Gueye Sine a profité de son statut et grugé beaucoup de commerçants qui travaillent dans la monnaie électronique. Pour ce faire, le prévenu a créé courant 2019 une campagne de crédit fictive pour ainsi appâter ses victimes. À cet effet, il avait proposé à ses victimes ladite campagne un contrat dans lequel elles devaient gagner 10 %. Toutefois, Mor Gueye Sine avait utilisé un document régulier établi par le directeur de Yup qu’il a eu à falsifier en faisant des modifications avant de l’imprimer. Ce, avant qu’il ne le remette aux victimes toujours dans le cadre de ce projet.
C’est dans ces circonstances que Rama Diop, Mame Aminata Lo, Bara Seck, Abdou Lakhat Diouf et Thierno Fall lui ont respectivement versé les sommes de 100.000.000, 130.000.000 de francs, 13.000.000, 70.000.000 et 91.000.000 de francs CFA. Ce qui fait un total de 371.000.000 de francs CFA.
Comble de tous, après avoir encaissé ces fortes sommes d’argents, le prévenu s’est créé une vie de richard. En effet, avec l’argent des commerçants, il s’est acheté 4 véhicules dont 3 de marque 404 et 1 autre de marque Honda. Ainsi, pour ces faits, ses victimes l’ont traduit en justice. Cependant, ces dernières sont tombées des nues lors de leur confrontation avec le mis en cause devant le magistrat instructeur. Puisqu’il leur a révélé avoir créé cette campagne fictive de crédit pour sauver son travail et couvrir le détournement qu’il avait commis au sein de Yup où il travaillait à l’époque.
Il soutenait toujours que c’était lui qui l’avait mis en place sans l’aval de la Sgbs et de Yup. Ses supérieurs interpellés sur ça, ils ont confirmé n’avoir jamais mis ce produit sur le marché. Face à tous ces aveux, il est placé sous mandat de dépôt depuis le 31 décembre 2020. C’est hier qu’il a été renvoyé en jugement devant le juge du tribunal correctionnel de Dakar.
Interrogé par le juge, le prévenu a reconnu les faits qui lui sont reprochés, à commencer par le délit de faux et d’usage de faux. «À Yup, on a créé un porte-monnaie électronique. On fait des paiements de salaire. J’envoie leurs registres de commerce et ninea à la direction. Dans le contrat tu leur proposais une rémunération de 10%». À la question du juge de savoir qui a confectionné le document, il rétorque que c’est la signature du directeur général qui se trouve toujours à la page 10.
«Je prenais cette feuille pour le joindre dans les contrats de la partie civile. Pour Aminata Lô, j’ai imité la signature du directeur et son cachet. J’ai mis du blanco sur la date», confie le prévenu. Interrogé sur les allégations d’un agent de Yup selon lequel le produit dont il parle n’existe pas, il rétorque : «j’avais créé une campagne de crédit et j’avais le droit de le faire. La Sgbs était au courant. Les parties civiles versaient leur argent dans le compte de Yup, domicilié à la Sgbs. Les fonds sont directement logés dans leur terminal mobile. Ils passaient par la suite à l’agence pour les récupérer. C’est à ce moment que j’intervenais pour prendre l’argent».
Poursuivant, il ajoute : «tous ceux qui avaient des manquants ont été arrêtés. Quand le nouveau directeur est venu, il a déterré les manquants qu’on avait au début du projet. Là, j’ai créé ce nouveau produit pour rembourser ce qu’on me reprochait de manière injustifiée. Je n’ai jamais eu l’intention de commettre des malversations».
C’est avec le même modus operandi qu’il a pu rouler toutes les parties civiles dans la farine. L’une d’elles, en l’occurrence Abdoul Ahat Diouf raconte: «je gère un point de transfert d’argent. Il m’avait dit qu’il travaillait à Yup, avant de me proposer leur service. Il m’a réclamé mon registre de commerce, ninea. Il m’avait montré un contrat avec des insignes de yup. Sur sa demande, j’ai versé l’argent dans le compte de Yup. Je devais gagner une commission de 10 %. Je lui ai remis 75.000.000 de francs».
Pour les conseils des parties civiles, les manœuvres sont avérées. Ainsi, ils ont demandé au juge de le condamner à allouer les sommes de 150.000.000 à Rama Diop, 170.000.000 à Aminata Lô, 20.000.000 à Bara Seck 90.000.000 à Abdoul Ahat et 110.000.000 de francs à Thierno. «C’est des commerçants qui lui ont versé ces sommes depuis 2019. Leur préjudice est énorme. Nous avons aussi appelé Yup et Sgbs comme civilement responsable. Puisqu’il était un employé de Yup et celui-ci l’a confirmé. Yup est responsable en tant que commettant. La sgbs aussi doit être poursuivie sur les fondements du code des obligations civiles et commerciales», a plaidé l’une des robes noires.
De l’avis du ministère public, il faut déclarer le prévenu coupable et le condamner à 3 ans ferme et ordonner la saisie de tous ses biens. Car, peste-t-il, ce sont des faits graves et qui causent un frein à l’activité économique parce qu’on ne pourra plus convaincre ces gens-là à investir puisqu’elles auront toujours la crainte que leur argent soit dissipé. Quant à la défense, elle a sollicité une application bienveillante de la loi pénale car, plaide Me Aliou Badara Ndiaye, condamner son client à 3 ans c’est le sacrifier, sacrifier sa famille ainsi que les parties civiles. Les débats clos, l’affaire est mise en délibéré au 23 juin prochain.
Adja K. THIAM (Actusen.sn)