Contribution

La nouvelle Licence MVNO, une occasion ratée pour la Poste

En stratégie Marketing, le concept de “positionnement dynamique”, consiste pour une entreprise de rester dans son cœur de métier, tout en faisant évoluer son offre avec le contexte socio-économico-technologique de son environnement.

C’est ainsi qu’il faut comprendre que certaines entreprises aient pu continuer de s’inscrire dans leur métier originel tout en s’adaptant continuellement :

  • Western Union est resté dans la transmission de données en passant du télégraphe au transfert électronique d’argent
  • La Poste Allemande par le biais de DHL a pu anticiper les besoins d’envoi express de paquets et colis, pour non seulement s’imposer dans le domaine, mais même de commencer à concurrencer les déménageurs internationaux

Au Sénégal, si La Poste avait fait preuve de vision stratégique, elle aurait anticipé certaines transformations structurelles, pour tout en restant dans son cœur de métier, demeurer un leader, voire un acteur incontournable dans les domaines ci-dessous :

  • Hébergement de serveurs mails et de site internet
  • Fourniture d’accès internet
  • Livraison rapide à domicile et/ou au bureau
  • Centres de reprographie et de distribution de matériel bureautique
  • Transfert d’argent
  • Services financiers (Microcrédit, ………)
  • Etc….

Mais comme la vie réserve toujours des fenêtres de tir, le récent tollé soulevé par la nouvelle licence MVNO (Opérateur Mobile à Réseau Virtuel) m’a permis de lire sur le mur d’un ami sur Facebook, la suggestion de donner cette licence à la Poste Sénégalaise.

En effet, suggestion ne saurait être plus pertinente pour permettre à cette société moribonde et portée à bout de bras par l’Etat, de rebondir et de se faire une place au soleil. Il est clair que le management actuel de la Poste ne semble pas être dans les dispositions de porter la réflexion sur les stratégies de développement et de sortie de crise, pour la repositionner et en faire une entreprise rentable.

Néanmoins, les têtes pensantes à la Présidence de la République, à la Primature et au niveau du PSE auraient dû attirer l’attention des autorités sur l’opportunité en or, que représentait l’octroi de cette licence à la Société Nationale.

Un MVNO, (Mobile Virtual Network Operator), est un opérateur mobile qui ne possède pas de réseau (accès radio) ou d’infrastructure propres. C’est de là que vient le mot virtuel, sinon tout le reste est bien réel

Celui-ci passe donc un contrat avec un opérateur mobile traditionnel pour pouvoir utiliser son réseau et y faire passer les appels de ses clients et autres services de données. Ici au Sénégal seuls Orange, Tigo et Expresso possèdent un réseau propre (les antennes qu’on voit dressées avec des bols, ou les installations enfouies de la fibre optique). Donc c’est avec eux que les potentiels MVNOs noueraient des partenariats techniques.

(Pour les lecteurs non-initiés à la téléphonie mobile, imaginez un bus Tata qui pour ne pas dépenser du carburant, se faire remorquer sur son trajet par un Dakar Dem Dikk, tout en prenant des passagers et vous avez une idée du concept)

S’agissant de MVNO, on a en général affaire à 3 à 4 formes possibles, allant de l’entrée de gamme comme simple grossiste (Kirène avec Orange), à la formule MVNO TOTAL, la plus achevée et par laquelle, hormis le réseau emprunté au fournisseur, le nouvel opérateur possèderait tout le dispositif en vigueur chez un opérateur traditionnel à savoir :

  • Une marque propre ;
  • Un service commercial et marketing ;
  • Une plateforme intégrée de gestion de la clientèle, des opérations et la facturation ;
  • Des produits propres, similaires ou différents de ceux existant sur le marché ;
  • Un réseau de distribution indépendant avec boutiques de ventes et services après-vente ;

Compte tenu de qui ce qui précède, la seule entité locale qui pourrait très rapidement se muer en MVNO TOTAL est notre SN La Poste. Comme c’est le cas actuellement en France avec Poste Mobile, cette mutation pourrait se faire rapidement est sans grandes difficultés.

Contrairement au conglomérat attributaire, elle seule justifie non seulement d’une notoriété voisine de 100%, mais aussi et surtout une présence et maillage inégalés du territoire national avec plus de 250 points de ventes physiques, qu’il suffirait juste de “brander” et de rafraichir.

Cet avantage concurrentiel est d’autant plus décisif, que dans la téléphonie mobile, les 2 “business drivers” (leviers d’action), les plus importants sont la couverture réseau du territoire (signal) et la qualité de la distribution afin de rendre disponibles partout et à tout moment, sims (puces) et airtime (unités), téléphones, modems……

Lorsqu’un opérateur affiche une couleur verte (score maximum) sur ces 2 indicateurs de performance, le travail est fait à près de 85%.

Aussi, en s’associant avec un opérateur traditionnel disposant d’une bonne qualité de réseau, La Poste ferait plus que la moitié du chemin à parcourir………….

Au niveau de l’offre, la Société possède actuellement ses propres produits et serait en mesure d’en créer rapidement de nouveaux et se mettre en ordre de bataille dans un marché concurrentiel. Quand on sait que le transfert d’argent et le paiement mobile sont les produits du futur, le réseau de distribution de La Poste fait de la Société une structure privilégiée.

Quant à l’acquisition d’une plateforme intégrée de gestion des opérations et de la facturation (OSS/BSS), ce sera un jeu d’enfants de s’en procurer une, surtout que le capital humain pour le paramétrage et la gestion au quotidien est disponible aussi bien en interne de SN La Poste qu’en externe.

Pour le reste, il s’agira de se doter de ressources humaines en mesure de définir et de mettre en œuvre des stratégies gagnantes. Ce point est certainement le plus facile à gérer, mais aussi certainement le plus chargé politiquement et émotionnellement, car il sera question de faire preuve de courage politique et d’objectivité pour mettre de côté le management actuel, et ne mettre en selle que la compétence et rien que la compétence.

C’est pour cela qu’il est difficile de se faire à l’idée que l’Etat n’ait pas pensé à privilégier La Poste quand il s’est agi de réfléchir à l’octroi de cette licence MVNO. D’autant plus difficile à concevoirque l’ARTP, dépositaire de la stratégie du secteur et du dossier d’appel d’offres est aussi en charge de réguler les services postaux. Si seul l’intérêt national est privilégié, La Poste ne saurait être mise sur la touche dans le cadre d’une opération de ce genre.

Ce qui est certain, c’est que le conglomérat cité comme adjudicataire de la licence va de suite se ruer vers La Poste pour essayer de nouer un partenariat et bénéficier de son réseau de distribution unique. C’est là que les “Postiers” devraient faire block et leur opposer une fin de non-recevoir. (ba la ngadaaxkewel mu dugg ci alabi, daaxal mu dugg ci kërgui)

SN La Poste, dispose de par son impressionnant patrimoine immobilier, des leviers nécessaires pour lever les fonds requis auprès des banques pour non seulement payer le prix de la licence, les frais d’utilisation réseau à l’opérateur traditionnel, mais aussi de procéder aux investissements indispensables au démarrage de l’activité de téléphonie mobile.

Disposer d’une licence MVNO serait une occasion en or, pour ne pas dire unique, dans le contexte actuel de La Poste Sénégalaise, afin de permettre à l’entreprisse de se relancer et d’afficher un P&L bénéficiaire en milliards FCFA, dans un horizon de 5 à 7 années. Dans la situation actuelle marquée par le chômage des jeunes, une telle opportunité de préserver des emplois existants et d’en créer de nouveaux devrait être traitée comme une priorité nationale.

Comme il semble qu’il n’est pas encore trop tard, espérons que le message sera entendu en haut lieu, pour permettre à La Poste de s’inscrire durablement dans la vision et stratégie de développement recommandées par l’Union Postale Universelle, à savoir “innovation, Inclusion et Intégration”. Cette licence MVNO y contribuerait grandement.

Mbaye Sylla Khouma

Consultant International

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