Contribution

La traite des électeurs : une campagne de déshumanisation des citoyens

 Les « Gor » (les hommes d’honneur) de ce pays peuvent désormais porter le deuil de « ngor » (l’honneur et la dignité) : il a été sacrifié sur l’autel de « am-am » (l’Avoir). Jadis des Africains ont honteusement participé à la traite des esclaves en échangeant leurs frères contre de la pacotille. Avons-nous vraiment changé aujourd’hui, plus de deux siècles après l’abolition de ce triste commerce ?

Ne pas se poser cette question c’est faire acte de cécité intellectuelle : il y a toujours des acheteurs et des vendeurs. Seuls les acteurs ont changé : la place laissée vacante par le blanc est occupée par un esclavagiste de type nouveau (le politique opportuniste, corrompu et athée démocratique).

 A la différence de l’esclavagiste blanc qui n’était mu que par la valeur de la force physique, le nouveau est mu par le pouvoir. Si la démocratie était une religion on aurait presque autant d’athées que de politiques au Sénégal : ils ne croient pas à la démocratie, pire, toutes leurs entreprises ont pour but sournois de la travestir en « médiocratie ».

Le peuple est appauvri et abruti, puis acheté contre de la pacotille : du riz, des tapis pour mosquée, quelques billets de banque. Ce que le régime de Macky Sall est en train de faire est assurément une grave entreprise d’avilissement et d’asservissement des Sénégalais par le pouvoir de l’argent et de la pacotille.

 Cette campagne de l’insolence, de l’irresponsabilité, de la gabegie et de l’insouciance qui est en train de se dérouler dans notre pays est un crime contre l’humanité. Le palais présidentiel est transformé en comptoir commercial des consciences, les rues sont inondées de scène de « battré » (distribution d’argent) et Macky Sall est subitement devenu compatissant avec les victimes des maisons détruites et des sinistrés de tout genre.

Macky Sall est décidément allé très loin dans cette façon immonde de faire de la politique : le débauchage industriel en pleine période de campagne est une insulte à la morale, à l’honneur et à l’authenticité. Les Sénégalais sont achetés au vu et au su de tout le monde et personne ne dit rien, mais les conséquences de tels actes sont d’une gravité insondable. Cette agression morale et de la dignité de notre peuple nous emportera dans les abîmes.

  Des jeunes que j’ai moi-même connus travailleurs, pétris de foi en l’effort personnel, ont aujourd’hui renoncé au goût de l’effort et définitivement opté pour la solution de la facilité : faire de la politique un métier. Comment peut-on déconstruire le moral de jeunes à ce point ? Comment peut-on arracher à des jeunes la foi au gain licite et prétendre qu’on veut développer le Sénégal ?

Mais la question terrifiante est de savoir si nous sommes réellement des croyants ? Quand je vois des imams, des chefs religieux, des leaders d’opinion, bénir implicitement des actes qu’ils ont toujours dénoncés je me résous à considérer que notre religiosité n’est qu’une funeste comédie.

Maintenant le doute n’est plus permis : chaque Sénégalais a un prix, c’est du moins ce que le régime de Macky Sall a travaillé à ancrer dans les consciences. La corruption a cessé d’être un vice pour devenir une culture, la lâcheté est si dévergondée qu’elle est désormais perçue comme un acte d’espièglerie bénigne, sans gravité. Et nous voulons que nos enfants ne soient pas une progéniture de tricheurs !

  Nous sommes aujourd’hui un peuple radicalement décadent : l’école est agonisante, le sport est mort, la culture est folklorisée, le savoir est devenu superflu, la tricherie et la flatterie sont les deux vecteurs d’ascension sociale. C’est désormais dans la violence et dans l’agent facile que nous trouvons réconfort et tranquillité. La paresse est devenue le mode de vie préféré des Sénégalais : tandis que les paysans et les enseignants se tuent à la tâche, les fainéants ont capturé le vocabulaire et y ont introduit les germes de la décadence.

Un peuple de « doorkat », de « lijunttikat » et de « samabay mbayaane » ne mérite rien d’autre que la pauvreté endémique. On a déifié des stars, des communicateurs traditionnels déviants et des débauchés de la plume et ils ont détourné le peuple de l’essentiel pour l’intéresser au sensationnel, au folklorique qui est plus à même de générer de l’argent facile.

Alassane K. KITANE

Professeur au Lycée Serigne Ahmadou Ndack Seck de Thiès,

SG du Mouvement citoyen LABEL-Sénégal      

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