Comme nos hôpitaux malades, nos mosquées aussi ne sont pas en parfait état de santé. Imam Moctar Ndiaye persiste et signe que tant que ces lieux de culte sont laissés à des ignorants, souvent à la retraite, ils continueront à abriter des conflits, voire à être le théâtre d’actes de barbarie.
L’assassinat savamment orchestré du muezzin Bassirou Mbaye du village Ndieye dans la commune de Pire n’est que la face visible de l’iceberg pour décrire ce qui se passe dans les mosquées sénégalaises «qui furent jadis, selon Moctar Ndiaye, imam de la mosquée de Liberté 5, des lieux de recueillement, de dévotion et de retraite spirituelle.» «Hélas, elles sont devenues aujourd’hui le théâtre de conflits et de bagarres qui aboutissent souvent à des drames.» Si les mosquées sont connues pour être des demeures d’Allah, imam Moctar Ndiaye regrette qu’elles ne soient plus ces lieux sacrés que nous devons honorer et éloigner de tout conflit, bagarre et autre propos à caractère obscène : « Il faut oser le dire, nos mosquées sont toutes infectées pour ne pas dire malades. Elles sont très différentes du temps de nos vieux érudits où elles étaient embellies !»
«Nos mosquées sont infectées parce qu’elles sont aujourd’hui administrées par des gens à la retraite. Le tout à travers une gestion opaque et nébuleuse. Le pire est qu’ils ne tiennent jamais une assemblée générale»
Comment sommes-nous arrivés à ce stade ? Imam Moctar Ndiaye de répondre : « C’est parce que nos mosquées sont aujourd’hui administrées par des gens à la retraite qui n’ont jamais fréquenté une mosquée. Par des gens d’une moralité souvent douteuse qui ne sont préoccupés que par leur propre intérêt. Le tout à travers une gestion opaque et nébuleuse. Le pire est qu’ils ne tiennent jamais une assemblée générale et ils ignorent complétement les textes de l’islam qui régissent le fonctionnement d’une mosquée.»
Très en verve, il poursuit : «Cela pose problème de voir dans nos mosquées d’aujourd’hui la mise en place de clans qui s’entredéchirent jour et nuit et qui pourtant partagent les mêmes rangs lors des cinq prières journalières. Quelle hypocrisie ! Et ce sont ces genres d’attitudes qui dégénèrent et donnent souvent lieu à des actes de barbarie. » L’Imam évoque un problème très regrettable, à savoir la stigmatisation de nos mosquées qui pourrait prendre une envergure aux antipodes de l’Islam. «Nous voyons qu’il y a des mosquées Wolof, Toucouleur, Mouride, etc. », indique l’Imam avant de souligner : «Nous devons arrêter de donner à nos moquées des appellations à caractères ethnique ou confrérique. Cette stigmatisation constitue une entrave pour l’Islam et ne fait qu’entrainer la division des musulmans et fragiliser la Oumma islamique. Nos mosquées doivent être des lieux sacrés réservés exclusivement à Allah (SWT) ! »
«Les Imams sont nommés maintenant parce qu’ils sont fils de ou petits fils de … s’ils ne sont pas nommés pour leur ethnie, tribu, ou classe sociale»
Quid de la nomination des Imams et des Muezzins? L’Imam de la Mosquée de Liberté 5 dira : « On nomme souvent nos imams suivant des critères contraires à ceux de l’islam. Les Imams sont nommés maintenant parce qu’ils sont fils de ou petits fils de … s’ils ne sont pas nommés pour leur ethnie, tribu, ou classe sociale, sans tenir compte des critères établis par la législation islamique.» Rappelant, dans la foulée, que la fonction d’Imam n’est pas héréditaire, Imam Ndiaye souligne qu’elle est plutôt une fonction de mérite, de compétence et de moralité. « Tant que nous continuons à nommer nos Imams sur la base de pareils critères, les conflits persisteront», prévient-il, avant d’en rajouter une couche : « C’est seulement ici au Sénégal qu’un muezzin se permet de prononcer mal les termes de l’appel à la prière, ne maîtrisant rien du tout, ni l’heure de la prière. Le jour où vous vous permettez de les corriger, ils vous prennent pour un ennemi…»
Amadou Dia (Actusen.sn)