ACTUSEN
A LA UNENewsSociété

Mort d’un nouveau né à la clinique de la Madeleine : le pédiatre, l’infirmière et l’aide-soignante risquent 6 mois de prison

L’histoire débute le 7 octobre 2021. Ce jour-là, un enfant est né par césarienne à la clinique de la Madeleine. À sa naissance, tout semble normal. L’équipe médicale n’émet aucun signal d’alerte. Mais dès le lendemain, le pédiatre de garde, Dr Hussein, remarque que le bébé présente des signes de jaunisse, un phénomène assez courant chez les nouveau-nés. Il prescrit alors une photothérapie, traitement classique utilisant une lampe bleue pour réduire le taux de bilirubine dans le sang. L’enfant est donc placé sous cette lumière, pendant plusieurs heures, avec des pauses régulières de deux heures, comme le prévoit le protocole. Mais au matin du 9 octobre, le pire se produit : le bébé est retrouvé sans vie.

Le pédiatre en sanglots : «j’ai retrouvé une partie de sa peau sur le matelas» 

Son corps affiche une température de 41 degrés. Un chiffre glaçant, autant par sa brutalité que par ce qu’il sous-entend. Appelé à la barre, le Dr Hussein n’a pu retenir ses larmes. Il raconte avoir été profondément choqué lorsqu’on lui a annoncé la mort du nourrisson. Il s’est précipité à la clinique, dit-il, pour constater de lui-même. Ce qu’il découvre le bouleverse : «J’ai retrouvé une partie de sa peau sur le matelas.» Mais pour lui, il ne s’agit pas de brûlures liées à la photothérapie. Il avance l’hypothèse d’une maladie génétique, rare, qui expliquerait les lésions constatées. Il nie aussi catégoriquement avoir demandé à l’aide-soignante de cacher l’absence de scope, appareil essentiel à la surveillance de l’enfant pendant le traitement.

Le gynécologue et directeur de la clinique, Mahmoud Aydibe, soutient lui aussi qu’il n’y a jamais eu de brûlures. Selon lui, il s’agissait d’un décollement de l’épiderme, phénomène qui, d’après ses propos, n’a rien à voir avec une surchauffe de la lampe. Mais sa version des faits laisse le tribunal sceptique. Sans prévenir ni les parents, ni les autorités judiciaires, il a pris la décision d’envoyer un prélèvement de peau à un laboratoire en France. Une démarche jugée suspecte par le procureur, car elle visait à appuyer l’hypothèse de la maladie génétique… une hypothèse que le laboratoire a d’ailleurs écartée. Cette initiative, qualifiée de «douteuse», jette une ombre sur la gestion de la crise par la clinique. Pourquoi avoir pris cette décision dans le dos des parents ? Pourquoi n’avoir pas alerté les autorités compétentes ? À ces questions, le directeur a répondu avec prudence, mais sans vraiment convaincre.

Père du bébé : «ce bébé, on l’a vu partir en bonne santé. Et on l’a retrouvé brûlé, avec une température corporelle de 41 degrés.» 

Quant à l’aide-soignante, Adja Seynabou Diallo, elle reconnaît que la nuit du drame, elle avait cinq bébés à surveiller seule. Une surcharge qui interroge sur les conditions de travail au sein de l’établissement. Elle affirme que le bébé ne montrait aucun signe de brûlure avant d’être retrouvé sans vie. Mais le juge s’interroge : comment expliquer alors une pièce surchauffée, l’absence de scope, une lampe qui dégageait une chaleur anormale ? Adja Seynabou finit par admettre que la direction lui avait demandé de ne pas signaler l’absence de l’appareil aux enquêteurs. Le seul parent présent à l’audience, c’est M. Saleh, le père de l’enfant. Il se lève, tremblant. Sa voix vacille, mais ses mots portent : «ce n’est pas juste une erreur. C’est de la négligence. Ce bébé, on l’a vu partir en bonne santé. Et on l’a retrouvé brûlé, avec une température corporelle de 41 degrés.» Il évoque le silence des soignants, l’absence d’explication, l’envoi de prélèvements à l’étranger sans leur consentement : «On a charcuté notre enfant. Il a été sacrifié sur l’autel de l’incompétence.»

Pour les avocats des parties civiles, cette mort était évitable. Me Abdou Aziz Diop prend la parole avec fermeté. Il accuse la clinique d’avoir utilisé du matériel vétuste, d’avoir laissé l’enfant sans surveillance sous une machine défectueuse. Il s’appuie sur un rapport médical accablant, évoquant des brûlures au premier degré et une mort par asphyxie. Il demande la condamnation de tous les prévenus pour homicide involontaire, et réclame 200 millions F CFA pour chacun des parents, ainsi qu’un milliard de francs CFA en réparation de tous les préjudices subis, y compris psychologiques. Il estime que la clinique et son assureur, Sonam, doivent supporter cette charge.

De son côté, le substitut du procureur résume en une phrase glaçante la réalité du dossier : «Ce bébé n’est pas mort dans son sommeil. Il a souffert. Longtemps. En silence.» Il requiert la relaxe pour le directeur de la clinique, mais deux ans de prison dont six mois ferme pour les quatre autres prévenus, avec une amende de 300 000 francs CFA chacun. La défense, assurée par Me Khadim Kébé, conteste les conclusions du parquet. Pour lui, l’origine du décès n’a jamais été établie de manière certaine. Il insiste sur l’absence de contre-expertise, et plaide la relaxe pour le Dr Hussein et le directeur Mahmoud Aydibe, qu’il estime injustement poursuivis. Le tribunal a mis l’affaire en délibéré. Le verdict sera rendu le 23 juillet 2025.

Aïssatou TALL (Actusen.sn)

Leave a Comment