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Contribution

Pour un calendrier musulman basé sur le calcul astronomique : cadre théorique, méthodologie et application   Comment surmonter l’obsession du moyen au prétexte de la fidélité au texte ? (3/4)

Un hadith mal compris qui pourrait être la base d’une solution satisfaisante

Il faut commencer par dire que c’est assez surprenant de voir que le seul hadith à notre connaissance qui mentionne le calcul (hisâb) astronomique s’entend et qui devrait faire l’objet d’une analyse approfondie ne l’a pas été à sa juste valeur. Plus déroutant encore, c’est que les défenseurs de l’obligation de l’observation visuelle prétendent en tirer une « preuve » de l’interdiction du calcul astronomique pour déterminer le mois musulman. Le voici : « Nous sommes une Oumma illettrée, nous n’écrivons pas et ne calculons pas, le mois est ainsi et ainsi, c’est-à-dire, tantôt 29 et tantôt 30 » (Boukhari et Mouslim). Les défenseurs du calcul astronomique, eux, remettent en cause une telle compréhension du hadith et mieux, en tirent argument pour soutenir le caractère autorisé de ce procédé pour déterminer le mois musulman.

Pour un grand ouléma contemporain comme Yûsuf al qaradawi, si ce hadith devait impliquer une interdiction de ce procédé aux fins de la détermination du mois musulman, alors l’écriture serait aussi concernée. Et pourtant, une telle position est indéfendable eu égard à ce que le Coran, les hadiths, la pratique des compagnons et des oulémas de toutes les générations de musulmans jusqu’à nos jours montrent. C’est ainsi que le Coran valorise l’écriture à travers par exemple, les contrats de dette « Ô croyants ! Lorsque vous contractez une dette à terme, consignez-la par écrit. À cet effet, choisissez deux témoins parmi vous. N’omettez pas de mettre par écrit tout acte de prêt, quel qu’en soit le montant, et d’en préciser l’échéance. Cette façon de procéder est plus équitable auprès de Dieu, car non seulement elle confère plus d’autorité au témoignage, mais aussi elle écarte de lui toute espèce de doute » (Coran 2 : 282)

On peut aussi noter le calcul est utilisé pour déterminer les parts d’héritage, de la zakat, etc. Dans la même veine, le prophète (saws) a dicté le Coran à ses scribes et libérer les captifs de la bataille de Badr à la condition d’apprendre aux enfants musulmans à lire et écrire, au temps où le vainqueur d’une bataille avait le « droit » de mort et de vie sur le vaincu capturé. Abu Bakr (qu’Allah l’agrée), le premier Calife des musulmans a mis en place un comité ad hoc piloté par Zayd Ibn Thâbit, pour faire la première recension et consignation complètes du Coran. Et le Coran a été à la base de la codification de l’écriture arabe et de son expansion dans le monde.

Revenons à présent au hadith du calcul en tant que tel. Comme le dit un des plus grands connaisseurs de la matière, Ibn Hajar, le contexte du hadith mentionné plus haut indique que le prophète (saws) s’adressait aux musulmans de son époque qui n’en connaissaient que quelques rudiments. De ce fait, c’aurait été trop difficile pour eux (les musulmans de l’époque du prophète – saws) de se voir obligé de recourir au calcul astronomique. On voit bien alors qu’on n’est pas dans une situation où c’est le moyen « al wasîla » en soi qui est illicite du point de vue de la Charia mais la difficulté de son utilisation au moment où le prophète (saws) en parle. De là à en tirer une interdiction catégorique et définitive pour les musulmans…d’ailleurs, le même Ibn Hajar soutient dans son commentaire dudit hadith, que c’est la sagesse (hikma) qui est le motif à la base de la prescription de l’observation visuelle du croissant de Lune pour déterminer le mois de Ramadan. Il ne doit pas nous échapper aussi que les oulémas comme Ibn hajar ne disent pas dans leur commentaire du hadith du calcul que le prophète (saws) a interdit le recours au calcul astronomique, ils procèdent à des interprétations et déductions qui se déclinent principalement en quatre arguments : i) pour ne pas rendre les choses trop difficiles aux musulmans (de l’époque ?), la Charia a prescrit l’observation visuelle du croissant de Lune et pas un autre moyen ; ii) s’en tenir à l’observation du croissant de Lune permet de prévenir les dissensions entre musulmans au sujet de la détermination du mois lunaire ; iii) de même, ce procédé est celui qui remplit les critères de facilité et d’accessibilité que la Charia met en avant relativement aux conditions requises pour accomplir une de ses prescriptions, ici, le jeûne du mois de Ramadan ; iv) le prophète (saws) a dit « si les nuages vous gênent, complétez le nombre à 30 » mais il n’a pas dit « demandez aux savants du calcul astronomique »

Si comme le disent certains oulémas et pas des moindres, la sagesse (hikma) qui a motivé l’interdiction du calcul, sur la base de ce hadith, réside dans l’intention de la Charia de faciliter et de rendre accessible pour tous le culte, ainsi que de prévenir les divergences, il n’est pas difficile de remarquer le caractère anachronique de cet argument pour notre temps. En effet, de nos jours, partout dans le monde on peut accéder aux données astronomiques. Les pays musulmans qui le veulent peuvent disposer de ces données et nombre de musulmans sont devenus compétents en astronomie à un niveau suffisant pour collecter, traiter et analyser les données astronomiques. La coopération scientifique internationale rend encore la chose plus facile. Quant aux divergences, on observe une inflation de prises de positions d’une confusion inouïe et triste à ce sujet. Chaque pays, chaque ouléma, chaque groupe, association, confrérie, etc., y va de son option…Tout cela a abouti à des déterminations farfelues et fantaisistes du mois musulman avec des contradictions et incohérences que tout le monde peut constater depuis quelques années avec la visibilité que les technologies de l’information et de la communication leur donne. A la veille du début du mois de Ramadan, les oulémas sont assaillis de questions sur qui et quel pays doit-on suivre.

Par contre, le recours au calcul astronomique aurait l’insigne avantage de rendre possible une détermination commune du mois musulman pour toute la Oumma et qui transcende toutes les sources de divergences qui ont abouti à la confusion actuelle. De ce point de vue, le calcul astronomique reste bien le procédé le plus à même de permettre d’éviter les divergences sur la détermination du mois musulman. Partout, de nos jours dans les pays musulmans comme ailleurs, des horaires perpétuels de prières sont disponibles à la grande satisfaction de tous. Il suffit de regarder la chaine de télévision saoudienne pour voir que les heures de prières pour le monde entier défilent sur une bande annonce au quotidien donnant à voir une belle image d’une conciliation appropriée entre modernité et Charia. Pourquoi ne devrait-il pas en être de même pour le mois musulman ?

Pourtant, la Salât constitue le pilier le plus important du culte musulman et le recours au calcul astronomique pour déterminer les temps légaux des cinq prières obligatoires ne semble pas être l’objet de frilosité et de méfiance comme on peut l’observer pour le mois musulman. C’est dans ce cadre qu’on comprend la position pertinente du grand ouléma Ahmad Ibn Muhammad Châkir qui soutient que ce qui était difficile en raison de l’incompétence des musulmans de l’époque du prophète (saws) ne l’est plus, donc l’empêchement d’hier est levé. Dans la même veine, le ouléma sénégalais Cheikh Ousmane qui a beaucoup travaillé et produit dans une perspective de conciliation entre Charia et Astronomie rappelle qu’en Droit islamique, on ne peut pas évoquer de façon perpétuelle une contrainte qui n’est plus d’actualité.

Aussi, il est important de noter que le terme Oumma mentionné dans le hadith du calcul ne renvoie pas à la communauté des musulmans partout dans le monde jusqu’à la fin des temps comme de connu. En effet, on sait par exemple que le prophète (saws) a utilisé le même terme pour parler de la communauté des musulmans et des israélites lors de la rédaction de la charte ou la convention de Médine. Donc, il n’est pas justifié de mettre entre parenthèse cette Oumma à laquelle le prophète (saws) a fait référence dans l’expression « Nous sommes une Oumma illettrée (ummatun umiyya) » pour faire de l’incompétence de celle-ci en matière de calcul astronomique une contrainte à jamais insurmontable par la Oumma du Coran et de Muhammad (saws). Une telle compréhension se heurte au fait que les musulmans contemporains ne peuvent être qualifiés de Oumma illettrée ni d’incompétents en matière de calcul astronomique. Il faut bien relever que le prophète (saws) a commencé par parler d’une « Oumma illettrée » avant de poursuivre, ce qui donne raison aux oulémas qui disent que cette expression traduit un « ikbâr », c’est-à-dire, une information sur l’état de la Oumma à l’époque du prophète Muhammad (saws). C’est comme si on pouvait comprendre de ce hadith ceci : « puisque vous êtres illettrés, ne pratiquant pas le calcul astronomique et l’écriture, alors sachez que le mois musulman peut compter 29 ou 30 jours » On est loin d’une compréhension selon laquelle le recours au calcul astronomique est à jamais exclu en faveur du mode traditionnel arabe de détermination du mois musulman.

Les oulémas qui se sont penchés sur ce hadith du calcul expliquent aussi que la forme négative de l’expression « nous n’écrivons pas et nous ne comptons pas » indique une caractérisation du niveau de la grande majorité des musulmans de l’époque du prophète (saws) plutôt qu’un impératif (amr) de ne ni écrire ni calculer. Pour eux, les critères constitutifs de la proscription, le statut de harâm dans la Charia, connus des principologues musulmans ne sont pas réunis dans le hadith du calcul. Nous ajoutons, humblement, que si l’on regarde de près le contenu du hadith, on se rend compte qu’il parle du calcul en rapport avec la détermination du mois musulman en tant que tel. C’est très important de le savoir étant donné que l’une des sources de difficultés dans la détermination commune à toute la Oumma réside dans ceci que l’on fait la focale sur quelques mois notamment, le mois de Ramadan et du pèlerinage. En vérité, ce hadith pourrait nous servir à discuter de la détermination du mois musulman sur la base du calcul astronomique et d’en déduire toutes les dates revêtant une importance particulière pour le culte.

Un autre argument des défenseurs du maintien définitif de la pratique traditionnelle arabe de détermination du mois musulman consiste à soutenir que le prophète (saws) a bien dit d’estimer le mois à 30 jours en cas de ciel nuageux et pas du tout de demander à ceux qui connaissent le calcul astronomique. Une réponse est de dire que la pratique du compagnon Abdullahi ibn ‘Umar que nous avons déjà relatée indique que c’est une option parmi d’autres. De plus, ce qui aurait été difficile et contraire à l’esprit de la Charia c’est que le prophète (saws) ordonnât aux musulmans de son époque d’aller voir les rares individus experts en calcul astronomique qui résidaient dans des localités éloignées de la péninsule arabique, maitriser leurs langues et leurs langages mathématiques, confronter et vérifier les résultats des uns et des autres, et ce, pour chaque mois, etc. Donc, c’est demander aux musulmans de cette époque de s’adresser aux rares savants du calcul astronomique qui poserait problème et cela contredirait, le cas échéant, la sagesse qui consiste à faciliter l’accès à l’information sur le début et la fin du mois de Ramadan et par extrapolation, du mois musulman en tant que tel.

C’est dans ce cadre qu’on peut comprendre la mention par le prophète (saws) de l’estimation à 30 jours maximum en cas de gêne comme de la sagesse vu le contexte dont nous avons parlé à suffisance. Donc le comptage de 30 jours le mois en cours en cas de gêne est une estimation (taqdîr) et non une certitude. On rencontre ailleurs cette pratique de l’estimation lorsqu’un compagnon du prophète (saws) a dit qu’entre la prière de fajr et celle de Subh, ce dernier observait une pause équivalente à la récitation de 50 versets du Coran. Nous avons fait l’exercice avec des versets de longueur moyenne et trouvé une estimation de 10 minutes. Ibn ‘Abâs considérait que la distance légale pour raccourcir les prières obligatoires de 4 à 2 unités était celle entre la Mecque et la localité de Taïf, ce qui peut être estimé sur une carte à 100 km environ. La zakat en grain aussi est estimée entre 2, 5 à 3 kg puisque les gens n’ont pas les mêmes volumes de main, etc.

On voit bien que l’estimation (taqdîr) est bien connue dans le culte musulman et heureusement d’ailleurs contrairement à ce que pensent les obsédés de l’exactitude. Même les heures de prières sont estimées pour le pilier le plus important du culte car qui ose dire que le prophète (saws) priait à Xh Ymin Zsec… ! Dans la même veine, la Oumma peut se contenter de nos jours de l’estimation que les compétents en calcul astronomique fournissent sur l’instant de la conjonction à la seconde près. Et cela est un indicateur fiable et suffisamment précis du début d’un nouveau cycle lunaire.  Par expérience d’observation, le prophète (saws) a tenu à dire aux musulmans de son époque que le mois ne fait pas plus de 30 jours, donc il est logique de l’estimer à ce nombre en cas de ciel nuageux au 29e jour du mois en cours.

A ce sujet, Khalid Chraibi, qui a beaucoup écrit sur ce sujet, qu’Allah rétribue ses efforts sans compter, dit : « Or, les premiers astronomes convertis à l’islam (et dans leur sillage les juristes musulmans) savaient bien que la durée du mois lunaire se situait entre 29 j et 30 j, entre deux conjonctions, comme l’enseignaient déjà les astronomes babyloniens, deux millénaires auparavant ; ou entre deux observations de la nouvelle lune, comme le Prophète l’avait souligné dans différents hadiths. Le début du mois et sa durée étaient indépendants de la présence ou de l’absence d’observateurs et des conditions de visibilité » (https://oumma.com/le-mois-islamique-est-il-universel-ou-national/)

Assimilation, manque de confiance et anachronisme. Les défenseurs de l’obligation d’observer le croissant de Lune mentionnent dans leurs arguments leur conviction selon laquelle il n’y a pas de démarcation entre l’astrologie et l’astronomie. La peur de verser dans l’astrologie a conduit certains oulémas notamment les anciens au temps où l’astronomie était peu connue, à se méfier de celle-ci. Précisons à ce sujet que tout le monde est d’accord, sur l’interdiction catégorique selon le Coran et les hadiths, de l’astrologie qui consiste à prétendre établir une correspondance entre les astres et la destinée humaine. On peut comprendre cette attitude méfiance et de précaution eu égard au caractère de péché d’associolâtrie auquel conduit l’astrologie à une époque où seuls quelques rares individus pouvaient faire la part entre elle et les prédictions par le calcul astronomique. Car, les praticiens de ces deux approches utilisaient des tableaux et signes qui ne présentaient pas de différences pour les non-initiés.

Toutefois, l’astronomie moderne a acquis ses lettres de noblesse dans le champ scientifique : son objet, sa démarche, ses méthodes et outils obéissent aux mêmes exigences que les autres disciplines qui ont acquis une légitimité scientifique.  Dans ce cadre l’attitude islamiquement correcte est non pas de faire prévaloir ses préjugés sur l’astronomie mais de se renseigner auprès des « ‘ulamâ-ul falak » (les savants de l’astronomie et des sciences connexes) voire de l’apprendre si on en a les aptitudes. C’est la seule façon pertinente de pouvoir apprécier de façon juste le degré de fiabilité et de précision des données astronomiques (modèle de base, hypothèses, modèle de collecte de données, traitement et analyse, interprétation, marge d’erreurs, etc.). Aussi, le calcul astronomique offre l’avantage d’être une activité scientifique en principe pas assujettie aux tensions politiques, nationalistes, et sectaires (suivisme des écoles de pensée ou leaders d’opinion).

Dans ce cadre, il est instructif de noter que des oulémas anciens comme Taqyudin Subki (856H/1451) et Ar Ramli à la même époque ont été favorables au calcul astronomique. Subki plaidait pour que les gouvernants valident le témoignage visuel par les données astronomiques fiables alors que de son côté, Ar-ramli affirmait que le mois astronomique est le mois de Charia. Pour ce qui est de la question de la précision du calcul astronomique, nous avons déjà dit qu’il relève du même registre de l’estimation « Taqdîr » pour laquelle nous avons donné des exemples à suffisance.

On peut comprendre que par ignorance des avancées de l’astronomie, d’anciens oulémas comme An-nawawi et Ibn Taymiya qui ont vécu respectivement au 13e et 14e siècle aient eu à émettre de fortes réserves sur la fiabilité et la précision du calcul astronomique. Même si avant ou aux mêmes époques des scientifiques musulmans faisaient progresser l’astronomie en essayant de prédire la visibilité du croissant de Lune par le calcul astronomique (al khawârizmi, m.232H/847, Nasirudin at tusi, m.673H/1274) et beaucoup d’autres. Le problème majeur, c’est quand des oulémas des générations suivantes et contemporaines reproduisent sans une évaluation critique, les arguments de leurs prédécesseurs en déphasage avec le contexte scientifique de leur propre époque (celle des contemporains). Cette attitude d’imitation (taqlîd) ne saurait être légitime pour un ouléma authentique sauf accident. Fort heureusement, des oulémas contemporains susmentionnés ont plaidé en faveur du calcul astronomique.

De leur côté, des scientifiques musulmans contemporains reconnus pour leurs compétences en astronomie et sciences connexes comme Muhammad Ilyâs, Muhammad Odeh, Nidhal Guessoum, Karim Meziane et Syed Khalid Shaukat se sont distingués dans les efforts de conciliation entre visibilité, observabilité, et prédiction de l’instant de la conjonction. Toutefois, ils ont reconnu les difficultés de l’exercice et reconnaissent comme le fait Nidhal Guessoum qui y a beaucoup travaillé, qu’une solution satisfaisante n’a pas été trouvée dans cette perspective de conciliation entre la prédiction de l’instant de conjonction et la visibilité ou la première visibilité du nouveau croissant de Lune par un observateur sur terre.

Les efforts faits pour aboutir à une représentation des zones de première visibilité sur la carte du globe sont très louables et permettent d’avoir une représentation géographique plus précise que les notions d’horizon/levant unique ou différent (wahdatul matâli ‘/ikhtilâful matâli ‘) qu’on trouve dans la littérature sur la détermination du mois musulman. Cette ancienne notion d’horizon/levant est scientifiquement juste en ce qu’elle dit que certaines parties du monde partagent le même levant, c’est-à-dire, sont ensemble concernées par l’apparition du nouveau croissant de Lune (si le ciel et la géographie s’y prêtent), mais s’est longtemps heurtée à la difficulté de sa projection géographique. Pour s’en rendre compte, il suffit de recenser les différents points de vue des oulémas sur ce que représentent ces zones de même horizon/levant. Cela se comprend vu l’incompétence des oulémas de la Charia surtout des anciennes générations en matière d’astronomie et de géographie.

De son côté, la Ligue islamique mondiale se limite dans ses recommandations à dire que le calcul de l’instant de la conjonction doit servir de base à valider la possibilité de la visibilité (imkâniyatur ru-e-ya) à confirmer ou infirmer par le témoignage visuel. En tout cas, cette position de l’Académie de Fiqh de la Ligue islamique mondiale introduit une avancée significative même si encore timide de notre point de vue, vu qu’elle est passée outre l’avis des oulémas « traditionalistes » (au sens de qui pensent être fidèle à la « tradition ») qui ne veulent pas entendre parler de calcul astronomique en matière de détermination du mois musulman.

Des institutions pionnières comme le Comité Européen de Recherche et de Fatwa (CERF), le Conseil Théologique Musulman de France (CTMF) et le Conseil de Fiqh d’Amérique du Nord (CFAN) déterminent depuis quelques années le mois musulman sur la base de la prédiction par le calcul astronomique de l’instant de la conjonction vraie et des zones de première visibilité. Au Sénégal, le travail pédagogique que nous sommes en train de faire en collaboration avec l’Association sénégalaise pour la promotion de l’astronomie (ASPA) et avec l’appui scientifique de Patrick Rocher, qui a travaillé jusqu’à sa retraite sur le calendrier musulman alors qu’il était à l’Institut de Mécanique Céleste et de Calcul des Ephémérides (IMCCE), est suivi attentivement par l’opinion publique musulmane, les scientifiques et les oulémas. Patrick Rocher a pendant des années été sollicité par la Mosquée de Paris pour fournir à cette importante institution musulmane des données astronomiques pour aider à la détermination du mois musulman. Je profite de ces lignes pour témoigner encore mille fois toute ma gratitude. En lisant les réponses qu’il donnait à mes questions, ma compréhension des versets ou plus fidèlement à la terminologie coranique, des signes (âyât) « cosmiques » devenait de plus en plus exigeante et humble.

Ahmadou Makhtar Kanté

Imam, écrivain et conférencier

Email : amakante@gmail.com

Fait à Dakar, le 27/04/2018 – Cha ‘bân 1439 H

 

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