Contribution

Hausse des prix des biens et services au Sénégal : quelle politique pour protéger le pouvoir d’achat des consommateurs ?

L’homme est un « animal économique » aurait pu dire Aristote avant d’être un animal politique. En effet, l’économie, comme étant l’une des forces motrices et salvatrices de la vie d’un pays se serait débarrassée de perturbations de tout acabit si elle reposait sur des piliers endogènes solides comme l’affirmait Kizerbo : « on ne développe pas, on se développe ». Même si aujourd’hui, il faut reconnaître qu’aucun pays ne peut se développer en autarcie ou recroqueviller sur la réalisation de ses propres intérêts sans une ouverture intelligente au monde extérieur. L’approche culturelle senghorienne de « l’enracinement avant l’ouverture » est aussi transposable dans ce cas de figure.

Long fleuve tumultueux et tourmenté, l’économie a toujours été le nid de nombreux facteurs perturbants comme le chômage, les pénuries voire l’inflation comme par exemple la question de la hausse vertigineuse des prix des biens et services qui défraie ces derniers jours la une des quotidiens d’information au Sénégal. En réalité, l’impact de la crise du COVID-19 ne cesse d’avoir ses effets sur les cours des matières premières. Les cours d’au moins 35 matières premières ont connu, ces derniers mois des hausses importantes[1]. Cette hausse des prix au plan international a forcément un effet de contagion sur les prix intérieurs. Aussi, dans la pratique des affaires, la complexité de la production et de la distribution peut engendrer des techniques sophistiquées de commercialisation notamment par la création de réseaux intégrés à travers les clauses d’exclusivité, des pratiques de prix de vente ou d’achat insérées dans les contrats de franchise, de concession ne respectant pas souvent la politique des prix imposée par l’Etat. Ce qui grève conséquemment le pouvoir d’achat des consommateurs sénégalais.

D’ailleurs selon la note annuelle de l’indice harmonisé des prix à la consommation (IHPC) parue en mars 2022, la hausse des prix les plus prononcées sont enregistrées au niveau des « produits alimentaires et boissons non alcoolisées » (+2,9%), « des biens et services divers » (+2,5%), des services de « transports » (+2,3%), de « restaurants et hôtels » (+2,3%), « d’enseignement » (+1,7%), ainsi que de « logement, eau, gaz, électricité et autres combustibles » (+1,5%).

Pourtant, acceptant d’être embarquée dans une dynamique chancelante et soumise aux chocs exogènes, l’économie sénégalaise semble être embastillée dans une dépendance sans ambages. L’effondrement pitoyable du modèle soviétique est une belle illustration pour donner place à un capitalisme dit vulgaire dans un contexte du « Consensus de Washington » avec ses trois piliers à savoir, l’austérité, la privatisation et la libéralisation. Sous les diktats du FMI, cette libéralisation est apparue avec ses lots de désolation ; tout semble chambouler, petits commerces, industries embryonnaires, les entreprises étrangères profitant de ce pilier létal de la libéralisation. L’exemple du Sénégal des années 70 en est une parfaite illustration.

En fait, avant de s’empêtrer à partir de 1994 dans l’économie de marché qui semblait être la clé de la croissance économique et, partant, d’un développement socio-économique rapide, le processus économique était d’abord étatiste, dirigiste voire protectionniste notamment avec un dispositif juridico-institutionnel luttant contre l’inflation et la fraude commerciale amené par la loi du 4 mars 1965 relative aux prix et aux infractions à la législation économique, la loi de 1966 sur le contrôle des produits alimentaires et l’érection de structures de stabilisation des prix dans le marché comme la caisse de soutien des prix du coton (CSPC), la caisse de stabilisation des prix du sucre (CSPS) et enfin la caisse de péréquation et de stabilisation des prix (CPSP) qui a joué un rôle majeur  dans l’approvisionnement des populations et la régulation des prix du riz car sur toute l’étendue du territoire national les mêmes prix étaient pratiqués par les magasins de la CPSP implantés dans les régions. Cependant, l’extraversion de l’économie nationale a débuté vers les années 70 notamment avec la période d’ajustement structurel pour prendre forme en 1994 marqué par le désengagement de l’Etat du secteur marchand. La loi de 1994 sur les prix, la concurrence et le contentieux économique fut le support textuel de cette libéralisation tant et si bien qu’elle laissait au marché le soin de déterminer le prix des biens et services. Aussi l’abrogation partielle de la loi de 94 par la loi de 2021 sur les prix et la protection du consommateur n’a-t-elle pas permis d’élargir les prérogatives des organes de contrôle en matière de contrôle économique.

Malgré ce dispositif pertinent, l’économie sénégalaise connait une certaine fragilité qui constitue la preuve de son dépendance des produits extérieurs par l’entremise de la détérioration des termes de l’échange et dans un contexte particulier marqué par la pandémie du Covid-19, la guerre russo-ukrainienne ainsi que de la fermeture des frontières avec le Mali, la lancinante question de la hausse des prix des biens et services refait surface et pousse les autorités étatiques à reconduire les mesures de régulation du marché appliquées en 2008 lors de la crise des céréales. A côté des denrées alimentaires, l’inflation a aussi gagné les services notamment le marché locatif immobilier caractérisé par un déséquilibre de l’offre par rapport à la demande et à la faible application de la réglementation en vigueur. Ce qui a engendré des pratiques abusives et un accroissement exorbitant des coûts des loyers de baux à usage d’habitation au cours des deux dernières décennies, surtout dans les centres urbains et péri-urbains. C’est peut-être dans un tel contexte qu’il faut placer cette assertion sur la hausse des prix des biens et services au Sénégal : Quelle politique de l’Etat pour protéger le consommateur ? Devant une telle situation, on ne peut manquer de s’interroger sur comment l’Etat protège le consommateur au regard de la hausse vertigineuse des prix des produits. Aussi, les mesures édictées par l’Etat sont-elles efficaces à même de protéger le pouvoir d’achat du consommateur sénégalais ? La pandémie n’est-elle pas une légitimation de la promotion du consommer local ?

 

  • LES EFFORTS FOURNIS PAR L’ETAT POUR LUTTER CONTRE L’INFLATION DES PRIX DES PRODUITS :

En période de hausse généralisée des produits, les pouvoirs publics optent pour deux solutions stratégiques notamment la réglementation des prix par leur encadrement réglementaire (A) et la réglementation des prix par l’aménagement de mesures fiscales et budgétaires (B).

 

  • LA REGLEMENTATION DES PRIX DES PRODUITS PAR LEUR ENCADREMENT REGLEMENTAIRE

L’Etat du Sénégal, après avoir garanti la libre détermination des prix des biens et services par le jeu de la concurrence, fait montre de son intervention en contrôlant les prix, la concurrence et les produits.En termes clairs, l’encadrement réglementaire des prix des produits au Sénégal s’effectue par leur fixation d’office ou leur homologation lorsque, pour des raisons économiques et sociales motivées par une situation de calamité ou de crise ou encore par une dérégulation du marché, l’Etat intervient par voie réglementaire ou législative pour réglementer les prix pratiqués par les commerçants. Dans le premier cas, les prix peuvent être fixés à la baisse par décret ou arrêté. On peut citer à titre d’exemple le décret n°2022-89 du 17 janvier 2022 relatif aux régimes de prix et aux procédures de dénouement du contentieux économique ou l’arrêté du 25 février portant fixation des prix du riz brisé ordinaire et homologation des prix plafond du sucre cristallisé et de l’huile raffinée comestible. Dans le second cas, on peut remarquer l’adopter de la loi n°2014-03 du 22 janvier 2014 portant baisse des loyers n’ayant pas été calculé suivant la surface corrigée.La fixation d’office désigne un procédé autoritaire et non négociable qui consiste pour l’administration à fixer unilatéralement le prix des biens et services en vente au Sénégal.

Dans le décret n°2022-89 du 17 janvier 2022, l’article 6 liste les biens et services dont leur prix est soumis à la fixation autoritaire en ces termes :

Produits : hydrocarbures ; riz brisé ordinaire.

Services : tarifs des transports en commun de personnes ; eau ; électricité et téléphone ; tarifs des soins et services des hôpitaux et cliniques ; honoraires des médecins.

Quant à l’homologation, il correspond à une fixation négociée et concertée du prix d’un bien ou service entre les pouvoirs publics et les opérateurs économiques sur la base d’une structure de prix comprenant la définition, le calcul et la justification de chacun de ses éléments. Les produits homologués sont aussi listés par l’article 6 du décret précité comme comprenant les biens et services suivants :

Produits : produits pharmaceutiques, farine de blé, sucre cristallisé, pain, huiles raffinées comestibles, fer à béton, ciment.

Services : tarifs des auxiliaires de transport, établissement scolaires et universitaires publics et privés.

Aussi pour avoir une bonne maitrise des prix et assurer son contrôle, l’Etat peut décider de fixer le prix plafond d’un bien ou service c’est à dire le prix maximum qui peut être exigé ou définir un prix plancher qui est le prix minimum qui peut être demandé. Après la fixation autoritaire des prix ou l’homologation, l’Etat peut aussi décider une autre forme de contrôle voisine de la fixation et consistant au blocage des prix c’est à dire à leur fixation de façon discrétionnaire en fonction d’un prix plafond qu’ils ne pourront dépasser. Pour accompagner ce cadre juridique, l’Etat a aussi mis en place un Conseil national de la consommation dont l’avis consultatif est requis par le Ministre en charge du commerce. Il en va ainsi de l’arrêté n°013231 adopté en 2021 et mettant en place un comité des prix des denrées de première nécessité afin de soutenir le panier de la ménagère. D’autres mécanismes juridiques comme le changement de régime de prix allant de la liberté à la fixation notamment à travers la modification de l’article 6 du décret susmentionné concourt à une politique de prix assurant une meilleure protection du pouvoir d’achat des ménages.

 

  • LA REGLEMENTATION DES PRIX PAR L’AMENAGEMENT DE MESURES DE SOUTIEN AUX PRIX

Du producteur ou industriel au consommateur en passant par les grossistes, demi-grossistes et détaillants, le prix varie et devient beaucoup plus élevé pour les ménages qui supportent difficilement les marges bénéficiaires accordées aux intermédiaires de commerce. Ainsi, en période de hausse des prix, l’Etat intervient souvent par des mesures de subventions directes ou indirectes pour soutenir le prix de certains produits agricoles ou halieutiques afin d’anéantir leurs effets néfastes sur le pouvoir d’achat du consommateur. La subvention directe se traduit par une prise en charge budgétaire totale ou partielle du coût d’un produit à l’importation, à l’exportation ou à la production. Le Sénégal a eu à recourir à cette pratique en 2008 sur le riz à cause des spéculations sur les prix de ce produit à cette époque. Ainsi l’Etat avait consenti dans la période allant d’Avril à Août 2008, une subvention directe dont le montant s’élevait à plus de 5 milliards aux différents importateurs de riz.

Quant à la subvention indirecte, ici, l’Etat renonce à d’importantes ressources fiscales ou douanières.Sur le plan fiscal, l’Etat peut aussi renoncer à certaines ressources telles que la TVA pour soutenir un prix. A cet effet la directive n° 02/2009/CM/UEMOA prévoit les conditions de réduction ou d’exonération de la TVA par les Etats membres. Au Sénégal il peut être donné l’exemple du taux réduit de 6% appliqué au sucre cristallisé de production locale contrairement au sucre cristallisé importé qui est taxé au taux de 18%.  Plusieurs autres produits et services peuvent être soumis à ce taux réduit. A titre d’exemple on peut citer les huiles alimentaires, le lait manufacturé, les pâtes alimentaires et la location de matériel agricole, les prestations d’hébergement et de restauration fournis par les hôtels. En utilisant le taux réduit, l’Etat peut agir sur le niveau des prix  au bénéfice du consommateur ainsi que de l’opérateur économique. De même la dite directive exonère certains produits  de la TVA notamment le riz à l’exception du riz de luxe.

Ainsi, pour faire face à la hausse des prix de certains produits en période pandémie, l’Etat a pris des mesures de soutien d’ordre fiscal et accentué le système de régulation de la disponibilité de l’offre. Par exemple sur la farine de blé qui constitue la matière de production du pain, l’Etat a consenti une baisse de 12 points sur la TVA en la ramenant de 18 à 6%, afin d’atténuer la hausse erratique des cours du blé sur le marché mondial. Aussi, sur l’huile végétale, l’offre a été réorientée sur les huiles brutes importées par les industriels avec une baisse des droits de douane de 20 à 15% à travers la taxe conjoncturelle à l’importation (TCI).

 

 

  • LA PERTINENCE DE LA REGULATION DES PRIX PAR L’ETAT EN PERIODE D’INFLATION

Des solutions pérennes doivent être apportées aux mesures adoptées par l’Etat en période de flambée des prix des biens et services.

 

  • UNE REGULATION DES PRIX UTILE MAIS A L’EFFICACITE TEMPORAIRE

Les mesures utilisées par l’Etat du Sénégal pour endiguer l’inflation des prix des biens et services demeurent utiles car elles permettent à point nommé de stabiliser un temps soit peu le marché de la consommation des produits. Depuis les indépendances, l’Etat a reconduit presque tout ou en partie les mêmes mécanismes de régulation de prix adossés notamment sur d’une part un encadrement réglementaire des prix et leur soutien à travers des mesures de subventions.

Ce dirigisme exprime la toute-puissance de l’Etat sénégalais qui oriente sa politique économique vers une recherche d’équilibre entre le libéralisme et le dirigisme qui est celui préconisé par le solidarisme.

Il est dans les prérogatives légitimes de l’Etat de décider de la fixation des prix de façon discrétionnaire sans se référer à l’équilibre du marché: c’est cela qu’on appelle la fixation autoritaire des prix. Cependant, la fixation unilatérale des prix est une mesure autoritaire qui ne prend pas en compte l’équilibre du marché car dans ce cas de figure, les opérateurs économiques peuvent être lésés par les nouveaux prix arrêtés par l’Etat ; ils risquent de vendre à perte alors que le rôle des pouvoirs publics devrait être d’accompagner tous les acteurs économiques en créant des conditions d’équilibre du marché favorables à tous.

Pour le blocage des prix, l’Etat joue à l’arbitrage pour que les prix ne puissent dépasser un plafond fixé. C’est une mesure qui prend plus en compte l’équilibre du marché mais sans une détermination efficiente des marges bénéficiaires de chaque intermédiaire de commerce, cette mesure risque de demeurer inefficace. En outre, à cause de la libération de l’économie, le régime de la liberté des prix réduit le périmètre des biens et services dont le prix est encadré par l’Etat et conséquemment la latitude du contrôle de prix de l’ensemble des produits mis en consommation dans le marché.

Quant aux mesures de soutien aux prix, leur utilité reste limitée dans la mesure où elle crée pour l’Etat un déficit budgétaire important alors que les partenaires au développement sont défavorables au déséquilibre budgétaire qui selon eux, demeure insoutenable pour l’Etat sur une longue période.

Par ailleurs, des mesures les plus efficaces demeurent l’augmentation de la production par des politiques publiques de sorte qu’il n’y ait plus de tensions dues au déséquilibre du marché. Pour ce faire, les marchés doivent diffuser des milliers de produits divers permettant aux consommateurs de choisir leurs préférences sans anicroche. Sur ce, l’Etat, dans ses missions régaliennes, comme dans l’ex-Union Soviétique, use de ses prérogatives afin de réguler les prix à travers ses différents services publics. Ces marchés, en plus d’être flexibles, renforcent la concurrence, laquelle oblige les producteurs (exploitants agricoles, sociétés industrielles, activités de services etc.) d’agir avec efficacité afin de réduire les coûts: ” Quand les forces du marché ne guident pas les décisions de production, l’incitation au gain de productivité est plus faible”. Encore, le recours aux marchés diversifie les préférences donnant des coudées franches aux consommateurs. Ce pluralisme économique est un élément crucial qui désengage l’Etat dans certaines conditions frustrantes.

 

  • PROPOSITION DE SOLUTIONS POUR LUTTER CONTRE L’INFLATION DES PRIX DES PRODUITS AU SENEGAL

Proposer une ébauche de solutions doit, à notre sens, être un véritable casse-tête pour un État responsable et soucieux des enjeux de l’heure. Dans un contexte de la pandémie à Covid-19 où partout des plans d’urgence massifs pour sauver l’économie est l’ordre du jour, le Sénégal ne saurait être en reste à travers ses deux programmes majeurs : le Programme de résilience économique et sociale (PRES) à hauteur de mille(1 000) milliards et  le ( PAP2A) Plan d’actions prioritaires ajusté et accéléré ( 2019-2023) estimé à 14 712 milliards de FCFA, soit une augmentation de 614 milliards FCFA. Cependant, cette option de l’État-providence est d’une durée limitée avec des subventions de l’Etat à n’en plus finir creusant davantage un déficit budgétaire. C’est pourquoi la pertinence et l’efficacité des politiques publiques sont interpellées pour changer le paradigme afin de parvenir aux objectifs durables.

” L’Afrique devrait pouvoir nourrir l’Afrique, par une redéfinition d’une nouvelle stratégie de spécialisation par zone, soutenue par des chaînes de valeurs intégrées, c’est-à-dire intra-africaines.”, tel est un slogan décliné dans l’Agenda 2063 du continent africain. De la même manière, le Sénégal doit, à son tour, investir dans le secteur agricole qu’est le premier palier pour accéder au développement économique et social.  Walt  Whitman Rostow, l’économiste américain, théorisait les cinq étapes du développement. Selon Rostow, avant ” l’âge de la consommation de masse, en passant par les conditions préalables au décollage,  le décollage  et la phase de maturité “, la première étape réside dans ” la société traditionnelle “. En d’autres termes, dans l’agriculture de base comme moyen efficace pour atteindre l’autosuffisance alimentaire en plusieurs produits locaux réduisant de façon drastique les importations. Et le Sénégal, avec ses terres de plus de 124 000 hectares non arables dans la vallée du fleuve et dans la zone d’Anambé, pourra bien se lancer dans cette gigantesque entreprise pour satisfaire la consommation nationale dans diverses variétés culturales. Ensuite, il urge d’avoir des industries compétitives à l’image du succès de l’industrialisation des États-Unis, d’une partie de l’Europe, des ” Dragons ” d’Asie, des ” Tigres ” et récemment de nouveaux pays tels que la Chine , le Brésil, la Turquie etc. Pour ce faire, le pays doit se doter suffisamment d’une énergie, d’une main d’œuvre qualifiée, de la mobilisation des financements etc.

Si l’Etat parvient à réduire la dépendance extérieure par la mise en place d’industries locales compétitives sous de multiples formes, les outils économiques et commerciaux utilisés par ce dernier peuvent anéantir de manière importante les effets de la hausse des prix au plan international sur les prix intérieurs. Encore, protéger le pouvoir d’achat du consommateur sénégalais et le rendre optimal se fera dans l’augmentation conséquente de la production nationale et la maîtrise de l’inflation sous toutes ses formes. De surcroît, la diversification de la production ainsi que la transformation structurelle sont indispensables dans cette direction…

Aussi, l’Etat gagnerait davantage à renforcer les moyens logistiques, financiers et humains des corps de contrôle tels que celui du contrôle économique pour permettre une effective application de la réglementation consumériste et lutter efficacement contre l’inflation des prix des produits dans le marché.

Enfin, il faut reconnaitre aussi que la pandémie ainsi que la guerre russo-ukrainienne légitiment fortement de promouvoir le consommé local afin de rompre définitivement avec la dépendance alimentaire extérieure. Car le consommé local, c’est promouvoir l’économie locale, solidaire, intégrative, économiquement viable, écologiquement durable. C’est produire ce que l’on consomme et consommer ce que l’on produit. C’est valoriser nos produits culturels, promouvoir l’artisanat utilitaire, réhabiliter la fonction artisanale, replacer l’apprentissage fonctionnel au centre du processus de développement qui s’articule autour de l’éducation, l’apprentissage aux métiers, la formation professionnelle etc..

 

Conclusion

Le développement du pouvoir économique du consommateur au Sénégal s’observe à travers la prise en compte progressive et graduelle des intérêts de ce dernier dans les réformes portant sur des questions relatives à la consommation. Dans l’exposé des motifs de la loi sur les prix et la protection des consommateurs votée le 29 décembre 2020 à l’Assemblée nationale, la volonté du législateur sénégalais de considérer le consommateur comme un agent économique à part entière s’affiche clairement en ces termes «La protection du consommateur occupe une place centrale dans la politique économique et sociale du Gouvernement. En effet, les consommateurs, acteurs essentiels du marché, jouent un rôle important dans la promotion de l’innovation, dans la compétitivité et dans le développement économique ». Cette assertion est la preuve manifeste d’une évolution de conception et d’une meilleure considération du consommateur sénégalais par l’Etat. Cela se confirme notamment par le renforcement des pouvoirs des associations de consommateurs qui obtiennent désormais la possibilité d’une représentation judiciaire des consommateurs pour défendre leurs intérêts collectifs. Aussi, de plus en plus, la consommation des ménages au Sénégal, est perçue aujourd’hui comme un facteur de croissance avec l’implantation des grandes surfaces et le développement du commerce en ligne. Ce qui justifie cette volonté de l’Etat de renforcer le pouvoir d’achat du consommateur.

Par ailleurs, l’acte de consommation peut ainsi être un puissant vecteur d’orientation de la politique économique de l’Etat surtout d’une part, dans le renforcement de la réglementation des prix pour augmenter le pouvoir d’achat du consommateur et d’autre part dans la réorganisation du contentieux économique porté vers une meilleure reconnaissance de leurs droits économiques et procéduraux. Dans la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles voire en général la fraude commerciale, l’action du consommateur dans la détection de produits dangereux, indisponibles ou même contrefaits peut être salvatrice pour l’Etat dont la mission fondamentale en matière de consommation se réduit à l’approvisionnement correct du marché en denrées de première nécessité.

En définitive, l’Etat peut aussi développer grâce à l’action du consommateur, une consommation durable dont le soubassement sera l’incitation par les pouvoirs publics et les entreprises de nouveaux modes de consommation saine, équilibrée, économique et écologique. Ainsi, malgré la pauvreté et un déficit de consommation des ménages au Sénégal, un changement de comportement du consommateur dans ses modes de vie peut favoriser une production de biens et services plus respectueuse des normes sanitaires, environnementales et contribuant au progrès social, à soutenir l’innovation, au développement durable et enfin au label « Made in Sénégal ».

Papa Djibril DIAKHATE

Commissaire aux Enquêtes Economiques, Juriste, spécialiste en droit privé général chargé des questions de législation et de contentieux à la Direction du Commerce intérieur.

[1] Voir l’EDITORIAL « LETTRE DU COMMERCE », p.3. Pour le Sénégal, importateur net de produits alimentaires (les 20% de la consommation nationale sont importés), la hausse des matières ou de facteurs indispensables à la production (pétrole, frêt maritime, etc) ou même des denrées de première nécessité (sucre, maîs, blé) fait l’objet d’une vive inquiétude chez le consommateur mais aussi d’une préoccupation majeure pour le gouvernement et plus particulièrement du Ministère du Commerce. Ibidem.

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