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Entretien avec Abdoulie Janneh, Vice-Président de la Coalition pour le Dialogue en Afrique (CoDA) : « …L’Union Africaine a assez de ressources pour financer la Zlecaf… » 

A Addis-Abeba, en Ethiopie où il a accordé une interview à Actusen.sn, le Vice-Président de la CoDA est revenu sur les échanges de 48h qu’ils ont eus avec les associations d’entreprises africaines. M.Abdoulie Janneh, convaincu que la Zlecaf peut être financé par l’Union Africaine, n’a pas manqué de marquer son refus contre tout financement pouvant provenir de l’Union Européenne.

Actusen.sn : M.Janneh, pensez-vous que la ZLECAF puisse être viable ?

M.Janneh : Je crois que c’est une initiative très importante pour l’Afrique. On doit tout faire pour que ça soit une réussite. Depuis la création de l’Union Africaine (UA), la Zlecaf est l’une des initiatives les plus importantes. Mais, c’est un défi majeur pour que ça devienne viable. Il y a plusieurs éléments qu’on devrait traiter pour assurer cette viabilité. D’abord, il faut impliquer davantage le secteur privé. Pour leur faire comprendre que c’est dans leur intérêt d’appuyer cette initiative. On est en train de créer un marché de plus d’un milliard de personnes, et on a vu que dans les autres régions ça marche. C’est uniquement qu’en Afrique que ça ne marche pas, c’est honteux pour nous. Donc, il faut que le secteur privé s’implique davantage, car après tout, les biens et services passent par eux. Alors, il faut qu’il s’implique et s’approprie cette initiative. Il y a également le problème de financement, la création d’un secrétariat, et le manque de revenus pour certains pays qui devront abolir certains tarifs avec cette initiative. Il y a certains pays qui risquent de perdre, alors il faudrait réfléchir sur comment leur donner les compensations nécessaires. AfreximBank a mis sur la table 1 milliard de dollars mais je ne sais pas si cette somme suffira, on verra. Il y a aussi, à voir comment l’Union Africaine va arriver à un cadre acceptable approuvé par toutes les parties prenantes. Pendant la réunion, (l’interview a été réalisée après la clôture du dialogue politique avec les associations d’entreprises dans la mise en œuvre de la Zlecaf), ils ont parlé du conseil africain du commerce, mais il y a certains contestataires, car tout n’est pas encore opérationnel. La question des femmes a été soulevée aussi, et il est important de voir comment satisfaire les besoins, les soucis et les problèmes auxquels les femmes sont confrontées en matière de commerce. Alors vous voyez qu’il y a plusieurs sous défis à relever. Mais je persiste, jusqu’ici, c’est le commencement, certes, mais je ne vois pas comment seront traités certains aspects. Si on arrive à les traiter, ça va marcher. Le commissaire de l’Union Africaine, il est enthousiaste, il voudrait que la Zlecaf soit une réussite. Maintenant, est-ce qu’il est sur la bonne voie, on verra. Il faut qu’on arrive à bâtir ce partenariat crucial avec le secteur privé.

Actusen.sn : Pensez-vous que les chefs d’Etats africains soient prêts à sacrifier leurs intérêts nationaux au profit d’un intérêt continental ?

M.Janneh : Ce n’est pas certain. Vous savez, les chefs d’Etat, ils se réunissent, ils prennent des décisions qui impliquent le continent. Mais, dès qu’ils rentrent dans leurs pays respectifs, ils n’ont plus cette vision panafricaniste. Pour eux, c’est l’intérêt de leur Etat d’abord, ensuite le continent. Donc, ce n’est pas évident qu’ils fassent un sacrifice au profit du continent. Et c’est là que la société civile et le secteur privé ont un rôle à jouer. S’ils acceptent que ce qui est en train d’être fait est crucial pour le continent, ils mettront la pression sur leur Chefs d’Etats. Après tout,ils sont élus, et ils doivent écouter leur population. J’ai parfois l’impression qu’ils ne savent pas ce qui est dans l’intérêt de leur pays. Ils doivent savoir que chaque pays va gagner dans cette Zlecaf. C’est vrai qu’au début ça sera difficile, mais ensemble, essayons d’effacer les problèmes qui entachent les commencements des initiatives. Faisons-en sorte de surmonter les obstacles.

Actusen.sn : Justement, avez-vous espoir que les obstacles soient surmontés et en arriver à un accord continental qui profiterait à chaque Etat ?

M.Janneh : Je crois qu’on pourrait y arriver en passant par les dialogues et les négociations. On pourrait passer par les commissions régionales, comme c’est de coutume quand on relève des points de vue divergents. Il faut poursuivre ce dialogue. Qua chacun dise quels sont les problèmes, les défis à relever, et on verrait comment y apporter des solutions. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas de coûts, il y a des coûts. C’est pour cela qu’il faut essayer de voir comment les convertir en bénéfices afin que chaque pays puisse en gagner. 

Actusen.sn : On a l’impression que la Zlecaf se fait depuis le début, loin des peuples africains, un défaut de communication existe encore alors qu’on est à seulement quelques mois de son lancement…..

M.Janneh : Chaque initiative de l’Union Africaine se passe comme ça. Les Chefs d’Etat sont là, mais ils ne donnent pas de place à la société civile, aux jeunes, etc. Ils vont dans leur pays et veulent imposer leur vision sans rendre compte à leur population. Alors qu’ils devraient mettre tout sur la table, c’est-à-dire leur faire savoir ce qu’ils ont fait, à quel niveau ils sont impliqués, ce que leurs pays pourraient y gagner, où peuvent se trouver leurs intérêts etc. C’est très rare d’avoir ce genre de débat dans nos pays. C’est pour cela que nous sommes en train de régler ce défaut. C’est la CoDA qui a fait venir le secteur privé dans ce dialogue, sinon, il ne serait pas de la partie. Et c’est très bien qu’ils soient venus, car ils ont soulevé leurs craintes, et ont bien participé aux échanges. D’ailleurs, ils sont parvenus à avoir un consensus sur ce qui devrait être fait pour faire avancer les choses. Ce qui n’est pas mal. Ce qu’il faut surtout éviter, c’est de dire qu’on va tout régler dès la première réunion, il faut poursuivre les réunions et le dialogue, identifier les défis afin d’enregistrer une réussite dans cette initiative.

Actusen.sn : Nous avons eu échos que l’observatoire du commerce africain sera financé à moitié par l’Union Européenne. Qu’en est-il réellement ?

M.Janneh : Je n’ai pas d’information sur ça. Mais, à travers le système de financement qu’on est en train de mettre en place, l’Union Africaine a assez de ressources pour financer la Zlecaf. Elle peut le faire. Seulement, les gens cherchent toujours à s’impliquer dans nos initiatives à travers les financements. Et je crois qu’il faut les rejeter, il faut les refuser. Certains pays africains sont même capables de supporter ces financements, alors, il faut leur faire comprendre que c’est une initiative africaine qui doit être financée par les africains eux-mêmes. On soulèvera le débat au cours de nos réunions pour dire qu’on n’acceptera pas. Quelqu’un a même demandé ce matin (mercredi 27 novembre 2019), pourquoi les bâtiments de l’Union Africaine ont été construits par les chinois ?  Il y a des sentinelles qui sont là et qui vont pousser au refus. Et si toutefois on accepte d’être financé par l’Union Européenne, nous n’arriverons pas à être maitre de notre destin. 

Actusen.sn : Quel bilan tirez-vous de ce dialogue de deux jours avec les associations d’entreprises africaine sur la mise en œuvre de la Zlecaf ?

M.Janneh : Le secteur privé a certains soucis. Ils se sont prononcés, ils ont souligné leurs craintes, mais on pourrait les surmonter. On a échangé sur les structures à créer et pouvoir coordonner les activités, avec une mise en place d’un conseil africain. Mais il n’y a pas eu une unanimité sur la création de ce conseil. Pourtant c’est nécessaire, car il faut donner un certain rôle de coordination à un organe qui va étudier les difficultés auxquelles le secteur privé est confronté.

Actusen.sn : Le 1er juillet 2020 marquera le lancement de la Zlecaf dans le continent, croyez-vous que les associations d’entreprises soient prêtes à commercer à partir de cette date ?

M.Janneh : Vous savez, il faut fixer une date. Soit on est timide, soit on est optimiste. Nous nous devons de démontrer que nous avons les capacités de pousser cette initiative cruciale pour l’avenir de notre continent.

Par Aminatou AHNE (Envoyée Spéciale d’Actusen.sn à Addis-Abeba)

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