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Karimisation du PDS : ils ont enfin osé dire non au fils dictateur 

Ayant décliné leurs nominations au sein du nouveau bureau politique du PDS, les compagnons de longue date du président Wade ont enfin osé dire non. Non, à cause de cette envie de « karimiser » le PDS, parti fondé en 1974 par le président Wade. Ceux qui ont refusé cette fois-ci connaissent le prince, Karim Wade, mais pas tous les Sénégalais connaissent bien le monsieur. Le président Wade avait essayé de tracer la voie pour son fils une première fois et cela n’a pas marché, et il revient encore essayer une seconde fois en le nommant numéro deux dans ce nouvel organigramme. Ils ont osé dire non cette fois-ci, mais ils n’ont jamais osé dire non auparavant. Pourquoi ? Car le monsieur était un vrai dictateur. 

Omniprésent et Invisible

Durant les élections locales, le président Wade a finalement décidé qu’il était temps que Karim descende dans l’arène politique. Il fallait se battre pour conquérir la mairie de Dakar, qui est de loin la plus grande municipalité du Sénégal, avec un budget de presque 35 milliards de FCFA au temps. Il fallait juste gagner et Pape Diop allait se retirer pour éventuellement baliser la route à Karim. Cependant, il n’était pas encore prêt pour cette lourde tâche et ce sera sans surprise qu’il perdra. Le but n’était pas juste d’être maire de Dakar, mais plutôt d’être crédible aux yeux des Sénégalais pour éventuellement devenir président de l’Assemblée nationale ou du Sénat pour être le successeur constitutionnel de son père en cas de mort ou de démission.

En tant que figure énigmatique, Karim ne parlait pas beaucoup en public et on le voyait rarement en public aussi. Sa première sortie majeure de l’ombre a eu lieu quand il était en charge de l’Agence nationale pour l’organisation de la conférence islamique (ANOCI). Il était responsable des nouveaux projets et de la construction d’un certain nombre d’infrastructures. Il était aussi le courrier au Moyen-Orient et cela lui a couté le fameux surnom de « Monsieur 10 % », car il parait qu’il demandait toujours 10 % de plus pour son propre compte. Il avait la confiance totale de son père.

Cette confiance du père faisait de lui son conseiller économique et surtout son stratège. Cela commençait à inquiéter le fils spirituel, Idrissa Seck, qui jusque-là était le principal successeur du président Wade pour qu’il puisse protéger sa famille d’éventuelles allégations de corruption et de mauvaise gouvernance. Il avait eu raison de s’inquiéter, car la première dame, Viviane Wade, voyait en son fils le successeur de son mari et cela a tout changé. Le fils spirituel sera politiquement détruit et la route était ouverte pour le fils. 

Omniprésent et Omniscient

Durant l’organisation du sommet de l’OCI, Karim s’est montré en vrai dictateur. On fait comme il veut. Il s’assurera même de choisir les couleurs des badges, car dit-il qu’il ne fait pas confiance aux fonctionnaires sénégalais pour faire ces taches. Il ne voit que les objectifs qu’il s’est fixé et il ne prend en compte aucune décision, en quelque sorte, il se suffit à lui-même. Après tout, il s’agit de sa conférence, car il était proche du monde arabe.

Il s’est assuré de tisser des liens avec les rois et princes du monde arabe et il deviendra un ami intime du roi du Maroc. Il a pu négocier beaucoup d’accords et surtout un soutien financier pour le Sénégal. C’est ainsi que 800 millions de dollars seront proposés pour la construction d’une zone économique. Certains proches diront même que les fonds arabes étaient logés dans des comptes privés pour être utilisés comme une caisse noire politique. La plupart des projets étaient gérés par des amis de Karim des banques du Maroc et ou de Londres. Il fallait aussi être entouré par des hommes de confiance. C’est ainsi qu’il forcera son père à nommer Madické Niang, Mamadou Lamine Keita, Awa Ndiaye, Abdoulaye Baldé, Samuel Sarr, Innocence Ntap sans oublier Aminata Niane qui était son allié clé.

Omniscient et omniprésent, tout le monde avait peur de lui, car il approuvait toutes les décisions politiques. Des décisions pas toujours catholiques. En guise d’exemple, l’agence créée pour gérer le sommet de l’OCI était 100 % sous son contrôle. En tant que financier, économiste, directeur, il prenait toutes les décisions et c’est ainsi que les constructions étaient mal faites et il s’est assuré de ne pas être resté au Sénégal durant la construction pour éviter d’être vu comme omniprésent et omniscient.

Pour confirmer la peur, même le ministre des Finances a sacrifié la santé et l’éducation. Le budget qui était destiné à ces deux secteurs a été utilisé soit pour financer les projets de l’OCI, soit pour financer des projets qu’il avait entamés et dont il ne disposait pas de fonds. Les ministres et directeurs n’avaient pas le choix, il fallait se plier aux désirs du prince ou risquer la chance d’être faussement accusé et mis en prison ou même tué.

Ceci n’est que la partie visible de l’iceberg. Ils avaient peur hier, mais aujourd’hui ils n’ont plus peur et ils ont enfin eu le courage de dire non. Au Sénégal, les dirigeants sont traités comme des rois et leurs filles et fils comme des princesses et des princes, tant qu’ils sont sur le trône. En tant que grand politicien, le président Wade n’abandonne jamais. Soit il gagne, soit il gagne. Wait and See !

Mohammed Dia

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