Sports.fr: Greg, qu’avez-vous pensé de la victoire des Italiens contre une Turquie qui n’a pas proposé grand-chose ?
Grégory Paisley: C’est vrai qu‘on a tous été déçus par les Turcs mais c’était le jeu des vases communicants car les Italiens ont mis les ingrédients qu’il fallait. Cela a donné ce résultat, il y a beaucoup de cohérence dans cette équipe, ils sont sur ce qu’ils font depuis un bon moment et il faudra se méfier de ces Italiens.

Quelles étaient les priorités de Roberto Mancini lors de sa prise de fonctions en 2018 ?
Ce n’est pas toujours facile d’avoir un style de jeu en sélection car tu n’as pas les joueurs au quotidien, mais il a su créer un collectif et trouver des complémentarités entre tous les joueurs. Ce sont des joueurs qui arrivent à maturité, qui ont pas mal de certitudes. Tout ça ensemble, cela donne les résultats des derniers temps. Il y a beaucoup de cohérence dans toutes les lignes, dans l’animation défensive comme offensive. Les matches se jouent souvent dans le cœur du jeu et, au milieu, y a matière à très bien faire avec Jorginho, Barella et Locatelli, sans parler de Verratti. Il y a énormément de qualités dans ce secteur-là.

Marco Verratti encore en phase de reprise, c’est Manuel Locatelli qui a accompagné Jorginho contre la Turquie. Avec beaucoup d’assurance…
Oui, c’est un profil très intéressant, avec un gros volume de jeu. C’est un box-to-box, il aime bien être la dernière passe car, techniquement, c’est costaud. Tactiquement, il est intelligent. Il est souvent aligné car Verratti, niveau fiabilité, c’est compliqué… Locatelli a su saisir sa chance, on n’a pas vu de différence sur cette première rencontre. Il engrange de l’expérience et ça va devenir un taulier.

Mancini a créé un collectif, mais il a également instauré une idée de jeu, son équipe a de la maîtrise…
Il a vraiment eu cette intelligence de trouver des complémentarités entre les joueurs. Il a la chance d’avoir sous la main une génération dorée. Après tous les couacs qu’il y a eu, notamment la non qualification pour la Coupe du monde 2018, cela a été difficile de gérer ça en Italie. Mancini est parti d’une feuille blanche, avec une base saine. Et, chez les joueurs les plus anciens, il y a de l’orgueil et une volonté de bien faire durant cet Euro.

Les vétérans, Leonardo Bonucci, 34 ans, et même Giorgio Chiellini, 36 ans, sont fidèles au poste !
En charnière centrale, tu as besoin de beaucoup d’expérience et ils l’ont évidemment. Il faut le voir comme un bloc, les deux défenseurs sont bien aidés par les latéraux qui sont en pleine force de l’âge, des Spinazzola et Di Lorenzo qui vont vite. Et surtout, les milieux de terrain travaillent beaucoup sur les milieux adverses. Collectivement, ils sont bien. C’est cet aspect-là qu’il faut mettre en avant.

Roberto Mancini symbolise également les nouvelles idées développées par beaucoup d’entraîneurs de Serie A…
Il s’est d’abord inspiré de ce qu’il a déjà fait, car il a une grande expérience en Italie et à l’étranger. C’est l’homme de la situation car il a su créer une âme dans le groupe et, sur le plan tactique, tout est bien huilé.

« Il y a aussi des entraîneurs qui ont des idées en France »

Que pouvez-vous nous dire sur ces entraîneurs de Serie A qui innovent dans les idées de jeu ?
Il y a aussi les coachs allemands et les coachs espagnols un peu avant. Déjà, les Italiens ont dans leur ADN cet esprit tactique, mais, aujourd’hui, on voit des équipes qui sont portées vers l’avant. Ça joue. Même les équipes de bas de tableau jouent pour gagner les matches. La Serie A a l’une des meilleures moyennes de buts marqués des grands championnats, cela montre la mentalité des équipes en Italie. Le recrutement de certaines stars ont aussi permis d’attirer les regards. L’Italie s’est relevée de la crise économique, qui fut très difficile, et cela se ressent dans la vie de tous les jours comme dans le football.

Pour quelles raisons la Serie A, comme la Bundesliga également, a évolué ces derniers temps, alors que ce n’est pas vraiment le cas en Ligue 1 ?
Il y a l’état d’esprit, le talent des joueurs, la volonté des coachs de mettre de nouvelles choses en place. Mais attention, il y a aussi des entraîneurs qui ont des idées en France. Seulement, ils n’ont pas forcément les joueurs pour faire ce qu’ils veulent et font preuve de pragmatisme, ils s’adaptent aux joueurs de l’effectif. C’est vrai que ce qu’a proposé Gaseprini (avec l’Atalanta) ces dernières années a été exceptionnel, il a su tirer le maximum de chaque joueur. Même si ce sont des internationaux, ce ne sont pas des top joueurs. Des joueurs comme Zapata et Muriel sont devenus extraordinaires. Il y a également la philosophie de Roberto De Zerbi avec Sassuolo, c’était incroyable. Locatelli et Berardi ont accédé à la sélection. Maxime Lopez s’est retrouvé là-bas et ça s’est emboité parfaitement pour lui.

Pablo Longoria, le président de l’OM, avait expliqué qu’il n’y avait pas de « modèle » parmi les entraîneurs français…
Je trouve ça réducteur de la part de Longoria, le raccourci est trop important. La formation française est reconnue, la qualité est là et il ne faut pas oublier. Après, la vision des choses est un peu différente, elle peut être modifiée dans la formation des entraîneurs, mais je connais des coachs qui veulent tous jouer au ballon et avoir la possession. Sauf qu’ils s’adaptent aux joueurs mis à disposition. Certains essaient et, au bout de 3 matches perdus, font face à une crise. Beaucoup se réfugient derrière les résultats plutôt la manière de jouer en raison de la demande de résultats. Il y a des enjeux financiers qui sont importants. Le mal est profond et ce n’est pas évident, il y a une telle demande de résultats… Tu ne peux pas te rater car, financièrement, ça peut être une catastrophe.