Contribution

HOMMAGE A DAVID DIOP

A mon papa,homme de lettres et de cultures,à qui le grand âge( il va vers ses 93 ans) ne permet plus de lire ces mots. Je lui les ai lus.Il était aux anges. Pour rappeler au monde le souvenir de DAVID  MANDESSI DIOP le fils de la vie.Dans ces temps de médiocrité, de “médiacratie” mauvaise d’incérité, arrogance’ de mépris… ,il est bon de continuer à sonner le tocsin des mobilisations, des regroupements de tous les hommes de bonne volonté et de foi contre tous les obscurantismes et aliénations.Malgré les apparences,le culte du veau d’or, la “financirisation” du monde et des consciences ne passeront pas.
Malgré l’air du temps ‚ les montres, les ombres errantes, les débiles légers, il est hors de question de baisser les bras. Comme la dit Jhon LENNON dans son opus “Imagine”: ” you may say i am a dreamer but i am not the arly one. Maybe some day you will joint us “. Et Victor Hugo le poète d’affirmer deux jours avant sa mort : “Aimer, c’est agir “.
D’ailleurs comme l’a dit Jean-Pierre SIMEON: ” c’est la poésie qui sauvera le monde si rien ne le sauve “. Évidemment puisqu’elle est le langage naturel de la vie n’en déplaisent aux FC innombrables qui ont vendu armes et bagages face à ce système morbide, mortifère.
Frédéric HÖLDERLIN de renchérir :”riche en mérites, c’est poétiquement cependant que l’homme habite cette terre “Ô mère mienne et qui est celle de tous
Du nègre qu’on aveugle et qui revoit  les fleurs
Ces deux vers du poème « A ma mère » qui débute le recueil « Coups de pilon »
Poème dédié à « Bonne Maman », « Inyi », cette grande dame sans qui rien n’eut été possible. Nous le verrons.
David est né à Bordeaux le 09 Juillet 1927, d’un père Sénégalais MamadouYandé DIOP, cadre à la régie des chemins de fer en service à Douala et d’une Camerounaise Maria Mandessi BELL, protestante de confession. Retour peu de temps après à Douala car le couple en vacance était juste en congé.
Malgré la légende David n’a juste eu que le temps de naître en France.
En 1931 la famille DIOP quitte le Cameroun pour s’établis à Dakar. Les DIOP habitent alors une villa du plateau à la rue Bayeux (actuelle rue J. F. T GOMIS) angle rue Thiers (actuelle rue El Hadji Amadou Assane NDOYE).
Il y entame brillamment son cursus scolaire. Précoce et galopin. Jusqu’au départ pour la France en 1938 à Nimes. Entre temps le père décède en 1935.
Presque seule la brave maman portera à bout de bras ces 5 enfants. En 38 David avait 11 ans, ses sœurs, Suzanne 14, Christiane 13, Thérèse 8 et Adrien 6.
Il y avait aussi son grand frère utérin de 10 ans son ainé le bien aimé Iwiyé Kala-Lobé journaliste, fondateur de l’hebdomadaire « Le Petit camerounais-Dialogue » en 1954.
A ce grand frère tendre et aimant, qui sera pour lui un grand soutien moral et amical.
En France, David qui ne tombait jamais malade en Afrique (au Cameroun et au Sénégal) partage son temps entre les chambres d’hôpital et les salles de classe.
Ostéomyélite de la jambe et maladie pulmonaire qui nécessitera de nombreuses interventions chirurgicales. Malgré tout DIOP relèvera le défi des études. D’après les témoignages du Président poète qui l’a eu comme élève en classe 4ème en Français, Latin et en Grec , même temps son tuteur, et celui de toute la fratrie, au lycée Marcelin Bertelot de Saint Maure des Fossés. Il reçut en candidat libre à la 1ère partie de Bac en seconde. Inscrit en Terminale au lycée Louis le Grand, il passa avec succès la 2ème partie. Sa santé précaire lui fera abandonner la médecine pour des études de lettres à Grenoble puis Montpellier.
En 1946, retrouvailles à Paris avec son ainé Iwiyé. Ces retrouvailles dans le Paris des pénuries et des rationnements de l’après guerre, seront narrées par ce dernier avec brio, humour et truculence.Débrouille et java.
Ensemble ils organisent leur survie en faisant du trafic de café noir (colis familiaux venait du pays) denrée très prise en ce temps là.
Dans l’appartement au 32 rue des écoles, la famille autour de « Bonne Maman » mène une vie pleine de dignité chaleureuse.
Cet appartement est d’ailleurs le lieu où un dimanche à l’autre, après la messe on pouvait rencontrer le Tout-Paris nègre de cette époque là : Mame Ndiaye GUIRANDOU, Anette D’ERNEVILLE, Manou SAGNA, Adèle SENGHOR, côté dames. Cheikh Anta DIOP, Gaby SENGHOR, Doudou THIAM, Louis GUEYE, Charles Traoré LEROUX, Maurice SENGHOR, Douta SECK, Cheikh FALL, Lamine NDIAYE, … côté hommes.
La fête africaine: bombance et ambiance chaleureuse. Qu’on n’oublie pas aussi les saisons de conférence au 184 Boulevard St Germain : L. S SNEGHOR (sur Hegel), Abdoulaye LY, Amadou Makhtar MBOW…. pour ne citer que les Sénégalais.
Création de la FEANF (Fédération des Etudiants d’Afrique Noire de France).
Son beau frère Alioune DIOP (le mari de sa sœur Christiane) fonde la revue Présence Africaine sous le patronage des noms prestigieux : Gide, Mounier, Sartre, Camus, Leiris, Césaire, Senghor, Ricahrd Wright, Paul Hazoumé, le Révérend père Maydien, Théodore MONOD. C’est d’ailleurs dans le numéro 2 de janvier 1948 (1ère série que David publie 3 poèmes dédiés à Alioune DIOP : « Le temps du Martyrs » « Celui qui a tout perdu… »  et « Souffre pauvre nègre… »
Dans la même année L. S SENGHOR l’introduit dans son Anthologie préfacé par Sartre (Orphées Noires) avec deux pièces encore inédites en plus des 3 précédentes : « Défi à la force » et « Un blanc m’a dit ».
Il rencontre sa première compagne Virginie CAMARA (Rama KAM dans le poème éponymes) dont il aura 3 enfants. Le jeune couple passe ses vacances d’été à Dakar en 1953.
Juste à la fin de son DES en littérature africaine, il tombe de nouveau malade et subit une intervention chirurgicale. Il publie dans la même revue dans les numéros 3 et 4 (Nouvelle série) le poème « A un enfant malade «, un article sur les poètes africains et des notes de lecture sur les ouvrages de Ferdinand OYONO («Une vie de boy » et « Le vieux nègre et la médaille »), Mouloud FERAOUN («La terre et le sang » et Mongo BETI (« Le pauvre Christ de Bomba »).
Il donnera un témoignage sur la conférence de Bandoeng et prend part au débat sur la poésie nationale.
Son recueil « Coup de pilon » est édité en 1956 dans Présence Africaine (17 pièces au départ et 30 dans l’édition définitive).
Pour le titre ” Coup de pilon”, il semblerai qu’un poème du même intitulé parut en 1942 dans un journal dakarois : Dakar jeunes.
L’auteur de ce poème un certain David Issa certe David Mandési Diop. Ceci nous a été révélé par Bernard DADIE ( un autre vénérable, centenaire cette année et toujours parmi nous. Vivement de ces nouvelles).
Il nous apprend en même temps que c’est ce qui l’a poussé non seulement à écrire en vers libre mais aussi à durcir le ton contre le système colonial dans ses oeuvres.

Il participe à côté de son beau frère Alioune DOP à la préparation du 1er Congrès des Ecrivains et Artistes noirs la même année tenu du 19 au 22 Septembre à la Sorbonne.  Avec un très grand succès  ce congrès qui rassembla tout ce qui comptait comme artistes, intellectuels dans le monde noir et sans oublier les sommités intellectuelles d’Europe et d’Amérique.
De retour au Sénégal, il enseigne au lycée Maurice DELAFOSSE à la rentrée 57-58 où il rencontre sa deuxième femme Yvette (disparue dans la catastrophe aérienne le Jeudi 29 Août 1960). Ils logent alors avec leurs enfants à la rue Grasland au Plateau.
En Octobre 1958, à l’appel du PAI il gagne la Guinée (désertée en guise de représailles par les cadres français après le NON historique de CHEIKHOU TOURE), en compagnie des enseignants de sa génération pour épauler la jeune République, alors fierté et espoir de tous.
Pendant deux ans il enseigne au lycée technique de Kindia. Après cette expérience riche d’enseignements personnels malgré une certaine amertume (mesquinerie, xénophobie, espionnage, calomnies), il décide avec sa femme de rentrer au pays. Ils veulent d’abord faire un tour en France pour les vacances d’été. A l’escale de Dakar ils y déposent les enfants. Au retour de Paris quelques temps après, le courrier Air France s’abima en mer. A cause d’un violent orage, il n’a pas pu atterrir  à l’aéroport de Yoff. C’était le Jeudi 29 Août 1960. Aucun survivant.
1960, « Chiffre de choses. L’année de l’Afrique ».
Dans ses valises : le premier manuel scolaire de littérature africaine, un recueil de poème et un roman, peut être d’autres moissons encore. Le tout englouti le Grand Bleu.
Son dernier article paru à Présences Africaines porta sur LA REFORME DE L’ENSEIGNEMENT EN GUINEE.
Ses Amis de la Société Africaine de Culture, en Septembre 60 lui rendirent un émouvant témoignage :
« L’homme frappait d’avantage par la fois ardente sans borne qui éclairait son sourire. »
Il revint à son ancien tuteur et prof de lettres, L. S. SENGHOR de dire son oraison funèbre le Lundi 02 Septembre 1960 au cimetière de Bel Air s’adressant à David Mandessi DIOP : « La mort t’a brutalement saisi au petit matin et, sans cri, tu as plongé dans la mer. »
Dans l’assistance il y avait « Bonne Maman » entourée de toute la famille, la parentèle, et bien sûr son beau frère et ami Alioune DIOP, le vaillant discret militant des cultures noires.
Pour conclure
Le Poème liminaire du recueil
A ma mère
Quand autour de moi surgissent les souvenirs
Souvenirs d’escale anxieux au bord du gouffre
Des mers glacées où se noient les moissons
Quand revivent en moi les jours à la dérive
Jours en lambeaux à goût narcotique
Où derrière les volets clos
Le mot se fait aristocrate pour enlacer le vide
Alors mène je pense à toi
A tes belles paupières brulées par les années
A ton sourire sur mes nuits d’hôpital
Ton sourire qui disait les vieilles misères vaincues
O mère mienne et qui est celle de tous
Du nègre qu’on aveugla qui revoit les fleurs
Ecoute ta voix
Elle est ce cri traversé de violence
Elle est ce champ guidé seul par l’amour

Le plus long poème du recueil dédié à Aimé CESAIRE

Le Nègre Clochard
Mais moi qu’ai-je fait dans ce matin de vent et de larmes
Gans ce matin noyé d’écume
Où pourrissaient les couronnes sacrées
Qu’ai-je fait sinon supporter assis sur mes nuages
Les agonies nocturnes
Les blessures immuables
Les guenilles pétrifiées dans les champs d’épouvantes
Le sable était de sang
Et je voyais le jour pareil aux autres jours
Et je chantais Yéba
Yéba à pleine folie les zoos en délire
O plantes enterrées
O semences perdues
Pardonne nègre mon guide
Pardonne mon cœur étroit
Les victoires retardées l’armure abandonné
Patience le carnaval est mort
J’aiguise l’ouragan pour les sillons futurs
Pour toi nous referons Ghâna et Tombouctou
Et les guitares peuplées de galops frénétiques à grand coups de pilons sonores
De pilon
Eclatant
De case en case
Dans l’azur pressenti.

Le plus fameux
Afrique
Afrique mon Afrique
Afrique des fiers guerriers dans les savanes ancestrales
Afrique que je chante ma grand-mère
Au bord de son fleuve lointain
Je ne t’ai jamais connue
Mais mon regard est plein de ton sang
Ton beau sang noir à travers les champs répandus
Le sang de ta sueur
La sueur de ton travail
Le travail de l’esclavage
L’esclavage de tes enfants
Afrique dis moi Afrique
Est-ce donc toi ce dos qui se courbe
Et se couche sous le poids de l’humilité
Ce dos tremblant à zébrures rouges
Qui dit oui au fouet sur la route de Midi
Alors gravement une voix me répondit
Fils impétueux est arbre robuste et jeune cet arbre là-bas
Splendidement seul au milieu des fleurs blanches et fanées
C’est l’Afrique ton Afrique qui repousse
Qui repousse patiemment obstinément
Et dont les fruits ont peu à peu
L’amère saveur de la liberté

M. Aynina DIOP
Tel : 76 692 18 18
Email : ayninadiop6@gmail.com
Association pour la Solidarité et les cultures (A.S.C)
“aimer c’est agir”

Zone contenant les pièces jointes

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