Contribution

Hommes forts ou institutions fortes ?

« L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes ».

C’est la célèbre formule de Barack Obama, premier président noir, précisément métisse, de l’histoire des Etats Unis. Il paraît qu’il y en a eu dans un passé très lointain mais ce n’est pas l’objet de notre intervention.

Comme lui seul en a le secret, Obama a trouvé la formule magique, bien enveloppée pour enrôler les Africains. Presque tout le monde a spontanément adhéré.

Evidemment, dans le contexte d’un continent dirigé par des hommes qui confondent l’Etat et leur famille ou clan ; les deniers publics et les greniers de la tribu, si le séduisant Obama sert une citation originale dans le sens d’inverser la tendance, on ne peut qu’applaudir.

Critiquer, ou du moins discuter cette idée géniale, serait une sorte de trahison des espoirs de tout un continent, voire se positionner en faveur des dictateurs et tyrans qui exploitent impitoyablement les populations du continent noir.

Pourtant, à y voir de près, l’Afrique a bel et bien besoin d’hommes forts ou précisément des deux, autrement dit, aussi bien d’hommes forts que d’institutions fortes.

En effet, sans les hommes forts, les institutions aussi fortes et bonnes soient-elles, ne pourront sauver l’Afrique.

Ce sont également les hommes forts qui imaginent les institutions fortes, qui sont d’ailleurs conçues à leur propre image.

Par ailleurs, dans certains pays africains, les institutions sont fortes mais les choses ne bougent pas, fautes d’hommes forts pour oser assumer leurs responsabilités.

Evidemment, il n’y a pas d’institutions absolument fortes, pour paraphraser le vizir de l’Egypte antique, Ptahhotep, auteur d’un livre de maximes, l’un des plus anciens du monde.

C’est dans cette perspective qu’on parle d’indépendance de la justice au Sénégal, par exemple.

Il est indéniable que, dans ce pays, les rapports institutionnels permettent au Chef de l’Etat d’être le patron de la magistrature, mais, en réalité, rien ne s’oppose à cette indépendance de la justice.

D’ailleurs, l’ancien président de ce pays, Abdoulaye Wade en l’occurrence, a une fois dit, et à juste raison, que les magistrats sénégalais ont tout pour être indépendants.

Par conséquent, si certains d’entre eux ne le sont pas, c’est justement parce qu’ils se plaisent dans la dépendance, ou simplement qu’ils ne sont pas des hommes forts.

Il en est de même des fonctionnaires de l’administration et surtout des membres de bon nombre de partis politiques qui se comportent plus comme des talibés (disciples), des fanatiques et des inconditionnels, plutôt que comme des militants d’une cause, d’un code de conduite ou d’une idéologie politique.

Les relations maîtres-disciples qui régissent les partis, se reflètent irrémédiablement dans la gestion du pouvoir et constituent un frein au développement de tout un pays et, par ricochet, de tout un continent.

Ainsi, chacun cherche à faire plaisir au roi, à la reine, au prince, à la princesse et, dans beaucoup de cas, au troubadour ou au faucon de la cour.

Et bienvenue à la valse de la médiocrité, des coups bas, des combines et des combinaisons !

On se retrouve dans des situations ou chacun s’occupe de sa propre image, fait sa propre promotion, plutôt que celle du parti ou du pays.

On a l’impression d’avoir affaire à des constellations où chaque étoile cherche à briller plus les autres, pour être la star du groupe.

C’est le règne du « je », du « moi » haïssable qui se substitue au « nous » collectif.

Revenons à nos moutons !

Actuellement, beaucoup de personnes décrient la dépendance des chefs d’Etats africains vis-à-vis des anciennes puissances coloniales. En réalité, cette situation est étroitement liée au manque de courage des dirigeants de ce continent qui ne sont pas des hommes forts.

Pour moi, il faut bien des hommes forts pour mettre en place et appliquer des institutions fortes.

L’Afrique a donc besoin aussi bien des hommes forts que des institutions fortes.

Dr. Amadou SOW

UCAD

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